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riches, soit par un système de souscriptions, coûte en moyenne 1,500 livres sterling par an ; c’est donc pour l’ensemble une dépense annuelle de 150,000 livres de la même monnaie, il est vrai que dans ce chiffre on fait figurer l’entretien des écuries, car, pour chasser le renard, deux auxiliaires sont indispensables, des chiens et des chevaux.

Ces chevaux de chasse (hunters) constituent, ainsi que les fox-hounds, une race particulière créée ou du moins formée par l’industrie anglaise en vue d’un passe-temps national. J’en ai vu d’assez beaux modèles dans les écuries de Berkeley Castle. Le moderne hunter diffère d’ailleurs beaucoup de ce qu’était autrefois le cheval de chasse dans la Grande-Bretagne. Comme le caractère de la course au renard a changé depuis un siècle, il a fallu modifier le type des animaux qu’on destine à cet exercice. Le trait le plus frappant de cette chasse étant aujourd’hui la vitesse, le hunter actuel ressemble singulièrement au cheval de course (race-horse) ; on pourrait presque dire que c’est le même animal avec plus de force et de consistance. Une des grandes qualités qui le distinguent est de se montrer ce que les Anglais appellent un excellent sauteur, leaper. Pour comprendre la valeur de ce talent naturel qu’on cultive avec soin chez le jeune cheval, et sans lequel il n’y a point de hunter accompli, il faut se souvenir que le champ de chasse ou courre (hunting field) se montre le plus souvent hérissé de toute sorte d’obstacles, barrières, grilles, haies, fossés, dont quelques-uns, selon la métaphore anglaise, présentent à la vue d’effroyables bâillemens (yawns). De tous ces obstacles, celui qui arrête encore le plus un cheval ombrageux ou inexpérimenté, ce sont les larges ruisseaux. L’art du cavalier consiste en pareil cas à faire galoper sa monture à fond de train, de telle manière que l’animal ne voie pas le cours d’eau avant d’en être tout près et qu’il le franchisse alors d’un bond. C’est pour développer ces facultés particulières du hunter qu’ont été établies dans la Grande-Bretagne, il y a moins d’un demi-siècle, les steeple-chases, courses au clocher. Ce divertissement jouit à présent d’une grande popularité, quoique certains Anglais le condamnent en principe comme inhumain. La vue de ces courses au clocher est certainement fort belle et fort émouvante ; mais je dois avouer qu’une grande partie de l’intérêt repose sur les dangers de toute sorte que courent les hommes et les chevaux. Ces derniers, lancés à une vitesse de vingt milles à l’heure à travers un espace encombré par d’affreux accidens de terrain ne reculent devant rien - et enlèvent d’assaut tous les obstacles[1].

  1. Le courage des chevaux n’a d’égal que celui des hommes qui les montent. Comment ne pas citer l’exemple de M. Archibald Douglas, qui dans une steeple-chase avait eu trois côtes brisées presque au départ ? Dans cet état, il tomba au milieu d’une petite rivière avec sa monture, se tenant toujours en selle, et il laissa son cheval l’entraîner à huit mètres sous l’eau, plutôt que de quitter, comme bon cavalier, la place d’honneur.