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c’est que la chasse sera bien menée. Vous voyez tout de suite que le maître n’est point aussi indépendant qu’il le semble. Les autres propriétaires, en l’autorisant à courir sur leurs domaines, acquièrent ainsi jusqu’à un certain point le droit d’intervenir dans la chasse. Le fox-hunting est sous ce rapport une image de nos institutions, qui réunissent en principe de très grands pouvoirs sur certaines têtes ; mais chacun de ces pouvoirs rencontre à chaque instant des limites dans la pratique. Un autre devoir du master est de prendre des mesures pour la conservation du renard, car sans cela le combat finirait bientôt, comme vous dites, faute de combattans. Si le renard en effet n’a point disparu depuis longtemps de l’Angleterre, ainsi que ses anciens camarades, l’ours, le loup et le sanglier, ce n’est point la faute des habitans de nos campagnes, qui en auraient bientôt fini avec lui, si on les laissait faire ; non, c’est la faute des chasseurs. Il leur doit, sous ce rapport du moins, de la reconnaissance, et je conçois qu’à ce point de vue nous puissions être appelés les amis de cet animal malfaisant. On le conserve, il est vrai, pour le tuer, et quand vous réfléchirez au carnage qu’on en fait tous les ans, vous vous étonnerez peut-être que la race de nos renards britanniques ne soit point encore éteinte. Il a fallu pour cela une grande surveillance et un ensemble de coutumes qui ont toute la force de lois. Le renard a deux ennemis particuliers dans nos campagnes : les propriétaires qui entretiennent du gibier dans des parcs ou dans des endroits réservés, et les fermiers. Vous pensez bien en effet que le matois leur joue plus d’un mauvais tour : c’est dans sa nature : ici il enlève un lapin ou un faisan, là il dévore une poule. Les fermiers anglais dont il a ravagé toute la basse-cour durant la nuit auraient belle envie de lui tirer un bon coup de fusil et de se faire justice eux-mêmes ; mais en général ils ne l’osent point, tant ils redoutent les effets de la colère des chasseurs. Il y a en effet mille à parier contre un que, si le fait est connu, les moissons du cultivateur seront foulées aux pieds des chevaux, ses haies détruites, peut-être même ses granges menacées. Je n’approuve point cette manière d’agir, et je reconnais avec vous qu’elle est tout à fait illégale : certes les victimes de ces actes de vandalisme ont le droit d’en appeler aux tribunaux ; mais la chasse, étant un divertissement du moyen âge, a perpétué sous un certain rapport dans nos campagnes les mœurs et les habitudes de la féodalité. Heureusement pour nous autres sportsmen, si les fermiers n’aiment point le renard, ils aiment du moins le fox-hunting. Il faut du reste les connaître et vivre avec eux pour démêler leurs vrais sentimens à cet endroit. Parlez-leur en particulier : ils se plaindront avec amertume des conséquences de la course au renard, telles que les récoltes