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et commerciale. Ici encore on ne peut qu’applaudir à tout ce qu’il dit des avantages de la concurrence et de la liberté. Cette cause est maintenant à peu près gagnée. Il trace un excellent aperçu de l’histoire du commerce, qui montre le commerce grandissant dans le monde à mesure qu’il devient plus libre. Je regrette seulement que quelques exagérations viennent se mêler à tant d’aperçus incontestables. Que M. du Puynode repousse les tarifs dits protecteurs, il a tout à fait raison ; mais il va jusqu’à proscrire les douanes comme ressource fiscale. La même réprobation s’étend à ses yeux sur tous les impôts indirects, et s’il s’agissait de construire à priori tout un système financier, cette doctrine mériterait d’être sérieusement examinée ; mais comment demander aux seuls impôts directs les 2 milliards que l’état dépense aujourd’hui tous les ans ? Même en admettant la possibilité de deux ou trois cents millions d’économies, comment obtenir le reste ? L’unique question est de savoir s’il vaut mieux avoir recours aux douanes qu’à d’autres impôts ou à des emprunts, et M. du Puynode, qui est à juste raison l’ennemi déclaré des emprunts publics, ne devrait pas hésiter, surtout en présence de l’expérience qui vient de s’accomplir.

Pour mon compte, j’ai toujours regretté les 100 millions de recette annuelle que le gouvernement a abandonnés l’année dernière : non que je ne sois sensible tout comme un autre à la réduction qui en résulte sur le prix du sucre ; mais quand je voyais l’état obligé de remplacer ces 100 millions par une émission d’obligations trentenaires ou par tout autre moyen de crédit, je me demandais s’il ne valait pas mieux payer le sucre un peu plus cher, et ajouter 100 millions de moins par an à notre dette publique. Il ne faut jamais oublier ce que disait Bastiat, un bon économiste aussi, sur ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit, c’est le sucre baissant de 4 sous la livre ; ce qu’on ne voit pas, c’est l’influence qu’exerce notre dette croissante sur le prix de tous les objets nécessaires à la vie. La masse des consommateurs se croit désintéressée dans l’abus des emprunts publics ; elle se trompe, et il appartient aux économistes de le lui dire. Une lourde dette publique se résout nécessairement en un surcroît de frais de production pour toute chose et par conséquent en cherté, et quant à ceux, s’il en est, qui espèrent s’en débarrasser tôt ou tard par la banqueroute, on ne saurait trop leur répéter que rien n’est plus cher, et n’impose au plus grand nombre de plus rudes souffrances, témoin la détresse générale qu’amena en 1848 la seule annonce d’une banqueroute, et qui serait aujourd’hui beaucoup plus profonde, parce que la dette publique est infiniment plus généralisée.

Le second volume de M. du Puynode se compose de morceaux détachés qui n’ont pas entre eux de lien apparent. Le premier traite de l’esclavage. Certes, s’il est au monde une question qui souffre peu de compromis et de termes moyens, c’est celle-là. L’auteur s’y sent à l’aise pour exprimer les idées les plus radicales. Je dois dire pourtant que, même là, j’au-