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Le bourg est une localité qui tient d’une charte royale ou d’un acte du parlement certain pouvoir de se gouverner elle-même, — une commune, une bonne ville, comme on disait autrefois en France, — bourg incorporé, dit la loi anglaise, qui constitue là en effet un corps ou plutôt une personne capable de tous les actes de la vie civile : acquérir, vendre, plaider, traiter avec tous de toutes choses, comme un individu dans la plénitude de ses droits.

La paroisse est une localité sans personnification civile : elle est un territoire, un groupe dont le lien primitif était l’église. La paroisse a des charges plutôt que des droits, charges qui consistent dans l’entretien des routes et dans la répartition de l’impôt voté au-dessus d’elle.

Voilà les trois catégories de localité dans le royaume-uni. De hiérarchie, n’en cherchez pas. Le comté est sans action dans le bourg, qui ne peut rien lui-même sur la paroisse. Cette gradation que vous observez en France entre le préfet, le sous-préfet et le maire n’existe pas de l’autre côté du détroit ; mais, à défaut de hiérarchie légale, il y a des différences naturelles, — superficie, population, pouvoirs, — qui classent entre elles ces localités ; il y a telle unité locale dont la prépondérance est visible et se révèle à la moindre analyse. Or cette localité prépondérante, ce n’est point le bourg. L’Angleterre et le pays de Galles n’ont pas plus de cent quatre-vingt-neuf bourgs, avec une population de deux millions d’habitans seulement : ce qui ne laisse pas moins de quinze millions d’habitans en dehors des bourgs, c’est-à-dire toute la population rurale d’Angleterre, dont nous avons à étudier le gouvernement local. — Ce n’est pas la paroisse, avec ses droits quasi nuls, depuis qu’elle n’a plus l’administration souveraine des pauvres. — Le grand pouvoir local, primant le bourg par les nombres et les espaces où il s’applique, primant la paroisse et le gouvernement lui-même par l’importance de ses attributions, c’est le comté.

Parlons d’abord de l’organisation du comté. Il a pour autorités : les juges de paix, le shérif, le lord-lieutenant, le gardien des rôles, le greffier de paix, les coroners, les constables, le trésorier, les employés des prisons, les préposés aux poids et mesures, les visiteurs d’aliénés, les inspecteurs des ponts. Rien d’électif dans tout cela !

Les juges de paix ;… mais d’abord oubliez, s’il vous plaît, ôtez soigneusement de votre esprit la notion du juge de paix français, cet ancien notaire qui inflige au plus vingt-cinq francs d’amende et vingt-quatre heures de prison, subordonné au moindre substitut pour la police judiciaire, courant les chemins pour des questions de bornage. Nous sommes ici en présence d’une élite sociale exerçant, par un droit qui semble héréditaire, des pouvoirs qui touchent à la