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l’action, le ressort financier. Organes, fonctions, nerfs, tout est là quand il s’agit d’un corps politique ou autre. Le législateur français ne manque pas, en tout sujet qu’il aborde, de reconnaître et de traiter séparément ces trois aspects. Or nous venons d’exposer quelles sont les autorités et les attributions du comté : il faut voir maintenant de quelles ressources disposent ces magistrats, quel est le ressort, le nerf de ce pouvoir.

Rien n’est plus simple : tout ici se compose d’une taxe directe et purement foncière. Tandis que l’état vit principalement de taxes indirectes, d’impôts de consommation, le comté, lui, n’a pas d’autres recettes qu’un impôt direct sur le revenu net des immeubles. Ce revenu est évalué par une commission que les juges de paix nomment parmi eux, et qui fait appel à tous les documens, à tous les témoins que bon lui semble. Un document est-il inexact, l’expertise qui en révèle l’inexactitude est à la charge du fonctionnaire de qui vient le document. Un témoin refuse-t-il de paraître, il paie une amende de 20 livres sterling. Quand la matière imposable est évaluée, la commission répartit l’impôt entre les paroisses ; s’il y a réclamation des paroisses contre leur contingent, elle est jugée en session trimestrielle des juges de paix. Tout étant évalué et jugé, le greffier de paix transmet à l’administration des pauvres l’état des taxes à percevoir dans chaque paroisse, et si l’agent de cette administration est en retard pour le recouvrement ou le versement de l’impôt dont il a charge, tout juge de paix peut émettre une ordonnance pour saisir et vendre ses biens.

Voilà un pouvoir qui ne sera inerte et empêché que si bon lui semble ; mais ce que j’y veux remarquer surtout, c’est la dose de tradition qui s’y retrouve, c’est le moyen âge qui vit encore dans cette fiscalité des pouvoirs locaux aussi bien que dans leurs organes et leurs fonctions. Aujourd’hui, alors que tant de richesses nouvelles s’offrent à l’impôt, la taxe du comté est encore purement foncière, comme l’était la taxe des pauvres sous Elisabeth, comme l’était la taxe d’église (church rate) dès le XIIIe siècle, comme le sont au fait tous les impôts d’une époque où la terre est la seule richesse connue et imposable, où les gouvernemens ne peuvent prendre l’argent du public dans son portefeuille. Tandis qu’en Angleterre l’état est éminemment moderne et progressif par l’impôt qu’il prend sur toute richesse qui paraît, par les autorités qu’il institue pour tout besoin qui se révèle, il laisse aux comtés la taxe aussi bien que les pouvoirs du-moyen âge.

L’importance de cette taxe n’est pas ce qui pourrait donner l’idée de ces pouvoirs, puisque le plus considérable d’entre eux, la justice, s’exerce gratuitement. Néanmoins le chiffre en est respectable :