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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/314

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auraient la pleine disposition des revenus du bourg, du patronage ecclésiastique, des fonds charitables, de tous les autres fonds de la communauté, et tout cela sans le moindre contrôle. Ils allaient posséder le pouvoir de déclarer crime ou nuisance ce que la loi n’avait pas déclaré tel, et, comme préposés au bien-être collectif, ils exerceraient, à ce titre singulièrement compréhensif, une autorité sans rivale ; ils succéderaient aux différens corps créés par des actes locaux, et dont chacun avait un droit de taxation limité, tandis que ce droit dans les nouveaux conseils municipaux était sans limite aucune. Plus ces pouvoirs étaient considérables, plus il devenait nécessaire de les rendre indépendans jusqu’à un certain point du contrôle purement populaire. Autrement il y aurait là plus de démocratie que dans la chambre des communes elle-même. La chambre des communes avait à compter avec la chambre des lords et avec la couronne, qui la tenaient en échec ; mais le conseil municipal d’un bourg n’avait à compter avec personne, ne subissait le contrôle de personae !… S’il était entendu qu’un corps d’aldermen, de membres à vie, n’était pas nécessaire dans un bourg, des membres à vie dans la chambre des lords paraîtraient tout aussi superflus : on allait à déraciner l’aristocratie et tout ce qui avait formé jusque-là le contre-poids du principe démocratique[1]… » Y avait-il dans ces appréhensions quelque chose d’outré, d’inexact ? D’ici il est malaisé de le savoir au juste. Toujours est-il que cet amendement, adopté par les lords à une forte majorité, fut modifié par la chambre des communes, en ce sens que le quart du conseil municipal, au lieu de tenir ses pouvoirs à vie, les tiendrait pour six ans seulement, le conseil se renouvelant d’ailleurs d’année en année. Les bourgs obtenaient ainsi une souveraineté qui, à l’égard de certains, objets, n’avait ni contrôle ni tempérament.

Assurément cela est mauvais en soi, mais avec moins de malfaisance qu’on ne pourrait croire. En effet, ces corporations ne sont souveraines qu’à une condition, qui est de n’avoir besoin pour leurs affaires ni d’impôt, ni d’emprunt, ni d’expropriation, ni de pénalité, ni même de souscription. Il n’y a pas de pays civilisé où l’on se passe pour ces entreprises du concours de la loi. Ce n’est pas la Grande-Bretagne qui mettrait en oubli un pareil principe : il y est reconnu et organisé comme nulle part. Si quelqu’une de ces ressources est nécessaire à un bourg, il doit se pourvoir devant le parlement pour en obtenir une autorisation, ce qui est la matière des private bills, nous dirions des lois d’intérêt local. Ici apparaît le contrôle exercé sur les pouvoirs locaux, la protection accordée aux minorités et aux individus. Vous remarquerez que, pour cette partie

  1. Annual Register 1835, pages 280 et suivantes.