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Un Roméo sicilien se plaint de l’hirondelle, qui s’est mise à chanter avant le jour et dérange un doux rendez-vous :

Ah ! rondinella bella,
Tu fai da gran bugiarda :
Hai cominciato a cantar
E non si vede l’alba.


Nous avons aussi, qui le croirait ? un Roméo berrichon qui fait entendre exactement les mêmes plaintes :

A peine ensemble j’nous trouvions,
Qu’ l’alouett’ fit entend’ sa chanson.
Vilaine alouett’, v’ià d’tes tours,
Mais tu mentis :
Tu nous chantes le point du jour,
C’est pas minuit.

Tandis qu’une amante roussillonnaise se plaint du Piémont, qui lui enlève son amoureux, un amoureux toscan est à son tour jaloux de la France, qui pourrait bien, au propre ou au figuré, éloigner de lui sa bien-aimée. Enfin l’amour trouve, pour ses peines comme pour ses plaisirs, des accens communs à tous les pays. Comme la jeune Grecque qui s’écrie :

« Je veux danser et me réjouir aujourd’hui que j’en ai le temps, car demain je me marie, je me mets en maison, j’entre dans un monde nouveau de labeur et de pensées graves ; »

comme la mariée bretonne ou poitevine qui dit adieu à son bon temps, et qui a, dit-elle, pour dormir,

Trop d’enfans qui l’éveillent,
Trop d’berceaux à bercer,
Trop d’soucis à penser,


la femme italienne s’écrie à son tour avec un accent qu’une traduction ne saurait rendre :

Quel di che me marido, ne non rido
Perchè go perso tutto il mio bon tempo ;
Quandò ne partirò da casa mia,
Adio bon tempo e me ne vado via !

L’émigration pour la Maremme contribue à donner en Toscane une certaine mélancolie à l’amour. Tous ces garçons qui partent au commencement du printemps emportent avec eux l’affection des jeunes filles, affection que l’éloignement contribue à poétiser. Celles-ci les accompagnent de leurs regards et de leurs vœux. Alors commencent les chants de l’absence :

Tutti mi dicon : Maremma, maremma
Ed a me pare una maremma amara.