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comme la volonté des habitans de cette province ; mais en qualité de citoyens notables, animés de l’amour du bien public et soutenus par l’opinion publique, vous pouvez présenter vos vœux pour la constitution et l’administration qui vous paraissent les plus désirables pour cette province, et supplier le roi de former une assemblée des trois ordres où les idées préliminaires données par vous soient débattues, confirmées ou changées, et prennent le caractère sacré d’une volonté nationale. »

Un pareil langage réduisait à néant la constitution des assemblées provinciales. Suivait tout un plan d’organisation pour les états du Bourbonnais et de La Marche, une véritable charte en quarante-huit articles. Ces états devaient se composer de 96 députés au lieu de 32, dont 16 pour le clergé, 32 pour la noblesse et 48 pour le tiers-état. Tous les députés devaient être élus par des assemblées d’arrondissement, où les ordres seraient confondus. Les états devaient s’assembler de plein droit tous les ans dans la ville de Moulins, au mois de septembre, et élire eux-mêmes leur président. On se passait complètement de l’autorité royale, et le nom même de l’intendant n’était pas prononcé. Une réunion générale des citoyens des trois ordres se tint spontanément pour appuyer ce projet avec enthousiasme. À Montluçon, à Gannat, l’adhésion ne fut pas moins unanime. À Guéret, on vota le principe des états provinciaux, mais, comme à Aurillac, avec cette restriction que La Marche aurait ses états particuliers. La Marche avait eu en effet des états dans d’autres temps, et le seul aspect de cette contrée presque sauvage témoignait assez qu’elle n’avait pas gagné à sa réunion au Bourbonnais. La commission intermédiaire essaya de lutter contre ces tendances séparatistes, elle entreprit même de ramener le Nivernais ; mais dès ce moment la généralité se partagea de fait entre les trois provinces qui ont formé les départemens actuels de l’Allier, de la Nièvre et de la Creuse.

L’abbé de La Tour ne prit jamais possession de son siège épiscopal. Ce n’était pas une petite affaire que la création d’un évêché sous l’ancien régime, puisqu’on ne pouvait lui constituer des revenus qu’aux dépens des sièges existans. Tout venait à peine de se terminer, quand survint la constitution civile du clergé. L’abbé de La Tour refusa de prêter serment, et cet évêché, dont la préparation lui avait coûté tant de peines, fut donné à un autre. Il émigra d’abord en Angleterre, puis en Italie, où il devint aumônier de Mesdames de France, tantes de Louis XVI. Après la restauration, il fut chargé d’aller chercher à Trieste les restes de ces princesses et de les ramener en France. Il fut nommé archevêque de Bourges au retour de ce pieux voyage.