Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de chanter : O filie ! o filia ! à tue-tête, tandis que les welches ne permettent pas à d’autres welches de se marier ! La conduite welche est si folle et si odieuse qu’elle ne peut pas durer.

« Je vous embrasse tendrement. Je n’ai pas un moment à moi. J’attends le livre de M. de Serres. »

« 23 décembre 1767.

« Mon cher philosophe, l’affaire de Sirven devient d’une importance extrême. Le rapporteur me demande un écrit imprimé depuis quelques mois à Toulouse, dans lequel on justifie l’assassinat juridique de Calas. Les maîtres des requêtes qui ont déclaré unanimement la famille innocente y sont très maltraités. Leur tribunal y est déclaré incompétent, et leur jugement injuste. J’ai malheureusement perdu cet écrit précieux qui doit être une pièce produite au procès. Je ne me souviens plus du titre. Il me semble que c’était une lettre adressée à un correspondant imaginaire, comme les lettres de Vernet. Je vous demande en grâce d’écrire sur-le-champ à quelqu’un de vos amis du Languedoc qu’il faut qu’il déterre cette lettre, et qu’il l’envoie en droiture à M. de Chardon, maître des requêtes, sous l’enveloppe de M. le duc de Choiseul. Cela est, encore une fois, de la dernière importance : il n’y a point de peine qu’on ne doive prendre pour recouvrer cet ouvrage. C’est un préliminaire nécessaire pour casser le dernier arrêt de Toulouse, qui révolte tout le monde.

« Je me porte fort mal ; mais je mourrai content avec l’espérance de voir la tolérance rétablie. L’intolérance déshonore trop la nature humaine. Nous avons été trop longtemps au-dessous des Juifs et des Hottentots. Je vous embrasse bien tendrement, mon cher philosophe. Vous devriez bien venir quelque jour coucher chez nous. Nous causerions. »

« Ferney, 29 décembre 1767.

« Eh bien ! le diable, qui se mêle de toutes les affaires de ce monde et qui détruit toutes les bonnes œuvres, ne vient-il pas d’arrêter tout net M. de Chardon lorsqu’il allait rapporter l’affaire des Sirven ? Le parlement ne lui fait-il pas une espèce de procès criminel pour avoir rapporté devant le roi l’affaire de la Cayenne ? Le roi est, à la vérité, indigné contre le parlement ; mais le procès des Sirven n’en est pas moins retardé. Je vais animer M. de Chardon, il est un de nos philosophes, et l’on verra peut-être à la fin.que la philosophie est bonne à quelque chose.

« La facétie de la Sorbonne contre Bélisaire paraît enfin. Elle ressemble aux pièces nouvelles de cet hiver, elle est sifflée ; mais le nonce la dénonce à Rome comme scandaleuse, et cette dénonciation dudit nonce est encore sifflée. La condamnation de Rome le sera aussi. Et de rire !

« Je ne ris point sur les Sirven. »

« 3 février 1768.

« Mon cher philosophe, enfin, après cinq ans de peines et de soins incroyables, la requête des Sirven fut admise au conseil le samedi 23 janvier après un débat assez long, et le procès doit avoir été rapporté vendredi dernier 29, devant le roi.

« Il n’est plus douteux que cette famille ne soit rétablie dans ses honneurs,