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par mille habitans. » Ainsi l’article 15, pour exclure les soldats turcs du Liban, pose le principe d’une sorte de gendarmerie mixte, dans laquelle il est bien entendu que les chrétiens auront la majorité, puisque cette gendarmerie est recrutée au prorata de la population, et qu’il y a dans le Liban près de deux cent mille chrétiens contre quarante-cinq mille Druses, Métualis et musulmans. Ce principe de l’armement des chrétiens est fort important, et j’en dirai un mot tout à l’heure. Je veux continuer à montrer les précautions prises par l’article 15 contre l’envahissement du Liban par les soldats turcs.

« Jusqu’à ce que la police locale ait été reconnue par le gouverneur en état de faire face à tous les devoirs qui lui seront imposés en temps ordinaire, les routes de Beyrouth à Damas et de Saïda à Tripoli seront occupées par des troupes impériales. Ces troupes seront sous les ordres du gouverneur de la montagne. En cas extraordinaire et de nécessité, et après avoir pris l’avis du medjlis administratif central, le gouverneur pourra requérir, auprès des autorités militaires de la Syrie, l’assistance des troupes régulières. L’officier qui commandera ces troupes en personne devra se concerter, pour les mesures à prendre, avec le gouverneur de la montagne, et, tout en conservant son droit d’initiative et d’appréciation pour toutes les questions purement militaires, telles que les questions de stratégie ou de discipline, il sera subordonné au gouverneur de la montagne durant le temps de son séjour dans le Liban, et il agira sous la responsabilité de ce dernier. Ces troupes se retireront de la montagne aussitôt que le gouverneur aura officiellement déclaré à leur commandant que le but pour lequel elles ont été appelées a été atteint. »

Ainsi, jusqu’à la formation du corps de gendarmerie mixte, les troupes turques ne peuvent occuper que deux routes. Elles ne doivent pas pénétrer ailleurs. « En cas extraordinaire, » et s’il y a quelque trouble dans le pays, le gouverneur chrétien peut, même après la formation du corps de gendarmerie indigène, requérir l’entrée dans le Liban des troupes turques ; mais elles dépendent de lui, et elles doivent se retirer dès que le gouverneur le demande.

Ne nous étonnons pas des prescriptions minutieuses que prend le règlement organique du 9 juin 1861 pour interdire ou pour limiter l’entrée des soldats turcs dans le Liban. Les massacres de 1860 ont appris à l’Europe ce que l’intervention des troupes turques dans le Liban peut causer d’attentats et d’outrages à l’humanité. Pourquoi donc, si nous en croyons le témoignage des voyageurs européens, pourquoi ces prescriptions n’ont-elles pas été respectées ? Pourquoi les Turcs sont-ils partout dans le Liban ou autour du Liban ? Y a-t-il eu des troubles et des révoltes ? A-t-il fallu, pour vaincre la rébellion,