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ressources de son ingénieux esprit à raffermir son cabinet, qu’il y réussisse, nous ne demandons pas mieux ; mais, pour le moment, tout est remis en question et tout demeure en suspens.

Nous étions trop préoccupés de cette incertitude de la situation italienne pour prendre un grand intérêt à la discussion de la question romaine au corps législatif. Cette discussion a été pourtant l’épisode le plus brillant du débat de l’adresse ; mais ce qui venait de se passer à Turin laissait trop voir la distance qui sépare la conclusion théorique de cette controverse du dénoûment vraiment politique que l’Italie espère. Rarement d’ailleurs les représentans des causes qui sont aux prises avaient été mieux inspirés. M. Jules Favre et M. Keller avaient tous deux pressé le gouvernement d’interrogations logiques et catégoriques qui ne semblaient plus laisser de place à une position intermédiaire. M. Billault a exécuté un véritable miracle d’adresse oratoire en faisant face avec une égale verve et de rares bonnes fortunes d’expression à ses deux adversaires. Le ministre-orateur a plaidé avec une vaillance inaccoutumée la cause de la politique expectante. Il a signifié aux deux partis que le gouvernement entendait pour le moment ne rien changer à sa politique envers l’Italie, ou ce qui est plus net, car la politique du gouvernement en Italie pourrait, suivant nous, donner lieu à plus d’une interprétation contradictoire, il a déclaré que nous ne ferions rien, que nous resterions à Rome indéfiniment. Le gouvernement est assurément dans son droit en prenant ce parti de l’inaction systématique, et, sa résolution étant ainsi arrêtée, nous le louons de l’avoir fait connaître. Il vaut mieux en effet pour tout le monde que l’on ait mis un terme à des incertitudes qui entretenaient des illusions ou des appréhensions toujours déçues et sans cesse renaissantes. Ce parti-pris de ne point résoudre la difficulté romaine ne supprime malheureusement pas cette difficulté. Nous ne croyons pas non plus que le gouvernement ait grande confiance dans une de ces solutions conciliantes que le temps dans les affaires humaines finit ordinairement par imposer à des prétentions extrêmes. Le gouvernement français, quoi qu’il en dise, ne peut s’abuser sur la situation où la cour de Rome est placée. Il doit savoir que cette cour ne transigera ni sur la perte de ses possessions aujourd’hui annexées au royaume d’Italie, ni sur le gouvernement séculier que nous pourrons lui demander un jour en faveur des populations romaines. La cour de Rome peut subir les nécessités politiques qui lui seront imposées ; elle ne les acceptera point par un acte de volonté spontanée. On n’a pas le droit de l’en blâmer. C’est la dignité des puissances faibles de céder à une force supérieure plutôt que de consentir à des abdications qui seraient l’humiliant désaveu d’elles-mêmes. Il ne faudrait pas croire non plus, malgré la chaleur oratoire que M. Billault a déployée pour prouver que nous ne devions pas encore abandonner la protection de la papauté à Rome, que le gouvernement français fût engagé par une obligation de principe à ne jamais retirer cette protection. M. Billault a reconnu au contraire