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avoir l’espoir de réaliser le jour où l’amélioration de son crédit lui aurait permis, ou d’offrir le remboursement aux rentiers, ou de leur faire agréer une réduction notable d’intérêt. On pouvait à la vérité répondre à cette objection que depuis 1826 il a été reconnu qu’un des plus grands obstacles que devaient rencontrer chez nous les conversions, c’était le caractère homogène et compacte de notre rente. C’eût été en effet en tout temps une lourde tâche que de soulever un capital de près de 6 milliards pour le placer devant l’option entre le remboursement au pair ou la réduction d’intérêt. À ce point de vue, il était utile de diviser la masse des rentes susceptibles de conversion. C’est ce qui vient d’être fait. Il ne reste plus aujourd’hui que 42 millions 1/2 de rente 4 1/2 non convertis, et qui pourront désormais devenir l’objet d’une conversion bien plus aisée. L’on avait cru que l’échange facultatif qui s’est accompli avait donné lien à un énorme déclassement de rentes. Le compte-rendu mensuel des opérations de la Banque, publié aujourd’hui par le Moniteur, fournit des indications très curieuses et très rassurantes sur ce côté de l’opération. L’on y voit que les avances de la Banque sur les fonds publics ne se sont accrues que d’un peu plus de 100 millions. Cette somme, qui est l’expression approximative du déclassement de rentes qui a eu lieu, est bien moins considérable qu’on ne l’aurait supposé. Ajoutons enfin, pour mieux déterminer le succès obtenu dans cette conversion facultative, qu’elle a été un moment traversée par un grave incident politique, l’affaire relative au projet de dotation du général Cousin-Montauban, et qu’elle a surmonté heureusement cette épreuve.

Mais les combinaisons financières, si habiles qu’elles soient, ne suffisent. point à l’amélioration du crédit public. L’expérience de notre temps a prouvé, comme celle du passé, que les finances sont solidaires de la politique. Notre prospérité financière, en dehors de la valeur des plans de M. Fould, dépend à la fois de la conduite de nos affaires publiques et des événemens. Nous avons dit, en parlant de la question italienne, que le gouvernement français ne paraît pas disposé à rien changer cette année au statu quo romain. Nous verrons avant peu si cette décision aura sur l’Italie elle-même une influence calmante. À une autre extrémité du monde, aux États-Unis, dans ce grand pays dont les troubles intérieurs ont si douloureusement affecté depuis plus d’un an l’industrie et le commerce européens, les choses ont repris un aspect qui devient de jour en jour plus favorable. La rébellion du sud essuie chaque jour de nouvelles défaites ; elle s’est vu enlever trois de ses états les plus importans. Tournée à la fois par sa droite et par sa gauche, elle perd ses meilleures positions stratégiques et cède de tous côtés sous la supériorité écrasante des ressources et des forces du nord. À mesure que les armées fédérales pénètrent dans les pays sécessionistes, le véritable état de l’opinion se révèle au sein de ces populations. On y voit que l’Union y peut compter sur de réelles sympathies, dont la manifestation avait été jusqu’ici étouffée par le terrorisme des dictateurs