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née[1] avaient fait des ravages parmi les assaillans, dont la plupart combattaient avec des frondes, ce qui les obligeait de se tenir tout près de l’édifice assiégé; mais Riagno fut tué dans une sortie dès le début du siège. Sa mort mit le désordre dans la défense. Bientôt une des portes de l’édifice, contre laquelle les assiégeans avaient amoncelé des fagots fut réduite en cendres, et la foule des Indiens put se précipiter dans l’Alhondiga. Exaspérés par les décharges qui les avaient accueillis quand ils se ruaient dans l’édifice, ils égorgèrent tout ce qui s’y trouva et recherchèrent dans la ville, avec la fureur de la bête fauve, ce qui pouvait y rester d’Espagnols pour assouvir leur vengeance dans le sang. Il ne paraît pas que Hidalgo ait rien fait pour arrêter ce massacre commis sur de malheureux vaincus, auxquels individuellement il n’y avait rien à reprocher. Chez la multitude des Indiens qui marchaient avec Hidalgo, le ressentiment des souffrances que cette race avait éprouvées pendant une longue suite de générations semblait s’être subitement réveillé. La nation des Aztèques s’était fait remarquer jadis par ses goûts sanguinaires; nulle part l’histoire ne mentionne autant de sacrifices humains exécutés solennellement sur les autels. Leur ancien naturel, peut-être dissimulé plutôt que déraciné par les pratiques du culte chrétien, sembla reparaître à Guanaxuato, excité par les passions que la guerre allume. Hidalgo, s’il eût essayé de retenir cette multitude ivre de colère et altérée de sang, aurait probablement échoué; mais on ne voit pas qu’il l’ait tenté. Plus tard, à Valladolid et à Guadalaxara, il ordonna de sang-froid sur la population espagnole des massacres qui furent exécutés sous le voile de la nuit, loin de la ville, dans des gorges isolées, sans que le déchaînement des Indiens pût être allégué, je ne dirai pas comme une excuse, en pareille matière il n’y en a pas, mais comme une aveugle fatalité contre laquelle la lutte était matériellement impossible. On est autorisé à supposer que, par un de ces épouvantables calculs politiques qu’on retrouve dans le paroxysme d’autres révolutions, et, avouons-le, de la révolution française elle-même, Hidalgo jugeait ces assassinats en masse comme un moyen de réussir. Il se flattait de glacer ainsi les Espagnols d’effroi et de les faire fuir du pays, ou encore il regardait leur extermination systématique comme une des conditions de l’affranchissement du peuple mexicain; mais, envisagé même comme un calcul, le système de sang pratiqué par Hidalgo se trouva faux et tourna contre lui-même. Un sen-

  1. Les projectiles étaient des pots en fer fondu dans lesquels on transportait le mercure dont on employait une grande quantité autour de Guanaxuato pour l’extraction de l’argent. Les assiégés de l’Alhondiga remplissaient ces pots de poudre et de balles : c’étaient de grossiers obus.