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et resta jusqu’au bout à la tête d’un corps d’armée; il devait un jour être immolé par la haine aveugle des partis, après avoir exercé pendant quelques instans la suprême magistrature. Tel encore un autre général, Nicolas Bravo, dont le nom mérite d’être transmis à la postérité, moins encore pour les victoires qu’il remporta et pour sa vaillante résistance quand l’adversité poursuivit les indépendans que pour un acte de générosité dont il y eut trop peu d’exemples dans cette lutte acharnée et impitoyable. Son père, don Leonardo Bravo, était entre les mains du vice-roi Calleja, qui se disposait à le faire juger, ce qui veut dire condamner à mort et exécuter. Morelos autorisa don Nicolas à disposer de trois cents prisonniers espagnols qu’il avait entre les mains, pour obtenir la liberté de son père. Nicolas Bravo les offrit en échange au vice-roi; mais celui-ci, systématiquement cruel envers les insurgés, fit exécuter don Leonardo. À cette nouvelle, Nicolas Bravo ordonna de passer par les armes ses trois cents prisonniers et les fit mettre en chapelle, afin que le lendemain matin ils fussent fusillés; mais pendant la nuit la pensée de cette boucherie obséda son âme et finit par le révolter. Il sentit qu’il allait déshonorer la cause de l’indépendance, dont la gloire lui était si chère[1], et au lever du soleil il les mit en liberté en disant qu’il ne fallait pas qu’ils restassent un jour de plus entre ses mains, de peur que l’envie ne lui prit de venger sur eux son malheureux père. Nous aurions à mentionner encore le général Bayon, qui servait avec distinction sous Hidalgo, et tint bon jusqu’à la fin, prenant asile, quand il était serré de près, en un camp retranché qu’il avait établi dans le Cerro de Gallo. Le général Teran, dont les services datent de la même époque, et ont été brillans jusqu’au bout, ne saurait être omis sans injustice. Nous pourrions allonger cette liste de vingt autres noms encore, tous plus ou moins dignes d’être transmis à la postérité.

Un personnage auquel on porte une vive sympathie est le jeune Mina, qu’on nommait ainsi pour le distinguer de son oncle, le fameux Espoz y Mina, si connu pour son intrépidité et son intelligence de la guerre de guérillas. Quand Ferdinand VII eut violé ses promesses à l’Espagne en remplaçant la constitution des cortès par le gouvernement absolu, le jeune Mina, plein d’enthousiasme pour les idées libérales, organisa, de concert avec son oncle, à Pampelune une tentative d’insurrection qui échoua. Obligé de s’exiler, il conçut le hardi dessein d’attaquer l’autorité de ce prince ingrat et parjure

  1. C’est lui-même qui le raconte ainsi dans une lettre adressée à M. Lucas Alaman, et qui figure dans l’histoire de celui-ci.