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tions de Rayon, et lui conféra le titre d’altesse, qu’il déclina; il le remplaça par celui de serviteur de la nation (siervo de la nacion). La première manifestation politique du congrès fut une déclaration de l’indépendance du Mexique, acte qui fut concerté avec Morelos, et dont il avait même fourni les principales données dans une note qu’il avait intitulée : Sentimens de la nation. La déclaration d’indépendance fut ce qu’elle devait être après les violences de Calleja sur Zitacuaro. Le Mexique rompait absolument avec Ferdinand VII. En cela, Morelos se montrait plus sincère que Hidalgo, qui détestait trop cordialement les Espagnols pour vouloir réellement du gouvernement de ce prince, et qui sans doute n’en avait proclamé le nom que pour grossir le nombre de ses partisans et les rangs de son armée. La déclaration ne s’expliquait qu’incomplètement sur la forme qu’aurait le gouvernement une fois le Mexique affranchi. Les termes de cette pièce, combinés avec la note émanée de Morelos et avec une proclamation qu’il publia un peu plus tard, en janvier 1813, à Oaxaca, sembleraient indiquer que les opinions politiques de ce chef étaient un mélange des idées qui avaient été proclamées par la révolution française, et ensuite par les certes de Cadix, avec celles que les jésuites avaient mises en pratique dans les missions du Paraguay. On aperçoit en effet dans ces trois documens mexicains les germes d’une théocratie qui eût passé le niveau sur toutes les têtes. Il y était dit que la nation mexicaine reprenait sa souveraineté et l’exerçait par ses représentans, que l’esclavage des noirs était aboli, que les privilèges de la naissance ou de la couleur disparaissaient, que la justice criminelle n’emploierait plus la torture; mais en même temps la religion catholique était déclarée la seule qui fût reconnue et pût être pratiquée, même en secret. La liberté de la presse était instituée, mais seulement pour les sciences et la politique, ce qui voulait dire à l’exclusion des matières religieuses. Le commerce extérieur était permis sous des droits modérés, mais les étrangers n’étaient reçus qu’autant que ce seraient des ouvriers ou artisans pouvant enseigner leur profession, et ils devaient séjourner dans des ports désignés à cet effet, sans qu’il leur fût loisible de pénétrer dans l’intérieur, quand bien même ils appartiendraient à la nation la plus amie. La propriété devait être respectée; le congrès devait faire des lois qui obligeassent les hommes à la constance et au patriotisme, modérassent également l’opulence et l’indigence, et eussent pour effet d’élever le salaire du pauvre, d’améliorer ses mœurs, de dissiper son ignorance et de l’éloigner du crime. Il était défendu de jouer autrement que pour se distraire ou s’amuser; la fabrication et l’usage des cartes étaient interdits. Les dettes contractées jusqu’alors envers les Européens, c’est-à-dire les Espagnols, étaient annulées.