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VII.

Sous le nom de la république, le Mexique n’a eu qu’une anarchie déplorable, avec tout ce qui en forme le triste accompagnement : l’absence de sécurité pour les propriétés et pour les personnes, les engagemens de l’état violés, l’industrie languissante ou anéantie, les routes régulièrement exploitées par des brigands, le moral de la nation affaissé, ses connaissances obscurcies et les rares établissemens d’instruction publique désorganisés, une corruption hideuse dans l’administration et dans la justice. Le nombre des personnes qui tour à tour ont occupé la présidence et se sont renversées l’une l’autre est presque indéfini, surtout dans les six dernières années; e doute et le désespoir dévorent l’âme des bons citoyens.

Au milieu de cette confusion, il y a pourtant une figure qui domine tout le reste, celle du général Santa-Anna. M. Lucas Alaman a sur ce personnage une page qui est bonne à reproduire. « Une fois Iturbide renversé, dit-il, l’histoire du Mexique pourrait s’appeler l’histoire des révolutions du général Santa-Anna : tantôt les organisant pour son propre compte, tantôt y prenant part après que d’autres les avaient commencées, travaillant aujourd’hui à l’agrandissement d’autrui et demain au sien propre, élevant une faction pour l’abaisser et l’opprimer ensuite en soutenant la faction opposée, entretenant ainsi un jeu de bascule entre les partis, il est le moteur des événemens politiques, et le sort de la patrie s’enlace avec le sien propre à travers toutes les alternatives qui quelquefois l’ont porté à la possession du pouvoir le plus absolu pour le précipiter bientôt dans la captivité ou dans l’exil. Néanmoins, au milieu de cette agitation perpétuelle dans laquelle il a incessamment maintenu la république, parmi ces démentis qu’il se donne et par lesquels on l’a vu adopter sans hésiter, lorsque son intérêt l’y portait, des idées entièrement contraires à celles qu’il préférait dans son for intérieur, au milieu des maux immenses qu’il a attirés sur le pays pour parvenir au pouvoir suprême, dont il se servait comme d’un moyen d’amasser des richesses, on l’a vu en 1829, lors de la tentative des Espagnols pour rétablir leur domination et dès leur débarquement à Tampico, se précipiter sur eux sans attendre les ordres du gouvernement et les obliger à mettre bas les armes, en 1835 affronter au Texas les colons américains insurgés et porter l’étendard mexicain jusqu’à la frontière des États-Unis,