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titre d’altesse sérénissime; mais le mal organique du pays est si profond, qu’après trois ans sa dictature, qu’on eût dit l’unique refuge d’une nation aux abois et avide de repos, s’est écroulée sur elle-même, et depuis ce moment on peut dire que le Mexique reste totalement privé de gouvernement. C’est à peine s’il y reste une société.

En se retirant de la dictature, Santa-Anna a emporté la conviction que les institutions du pays réclamaient un changement radical dans le sens monarchique, et on assure que dans son exil, volontaire au surplus, il n’a pas cessé d’exprimer cette opinion. Cette conversion de Santa-Anna aux idées monarchiques pourrait être considérée comme le dépit d’un chef de gouvernement renversé, sans une circonstance dont l’exactitude nous est attestée par des preuves qui nous semblent irrécusables. Dès 1853, quand il fut investi de la dictature, Santa-Anna, reconnaissant que la forme républicaine était impraticable dans sa patrie, avait commencé des démarches dont l’objet était d’obtenir de quelqu’une des maisons régnantes de l’Europe un prince qui consentît à venir à Mexico porter la couronne, et des principaux cabinets leur acquiescement et leur appui, moral au moins, pour cette combinaison.

Auparavant le vœu de la monarchie s’était fait jour avec un certain éclat, malgré l’intolérance des partis opposés. Un des citoyens les plus distingués du Mexique, M. Gutierrez de Estrada, qui avait occupé dans son pays de grandes positions politiques, successivement ministre, sénateur et chargé de représenter son pays en Angleterre, fit paraître en 1840 à Mexico un écrit courageux qui fit une grande sensation[1]. L’auteur fut poursuivi et obligé de s’exiler; mais sa publication avait fourni aux partisans de la monarchie l’occasion de se compter, et elle leur avait donné du cœur. Quelques années après, le parti monarchique arriva aux affaires en jan- vier 1845, sous la présidence d’un des siens, le général Herrera, puis sous celle d’un chef plus énergique et plus éclairé, le général Paredès. Celui-ci publia un manifeste qui ne laissait aucun doute sur ses intentions. Tout en reconnaissant qu’il appartenait à une assemblée constituante de déterminer le mode de gouvernement qui convenait au pays, il indiquait clairement que seule la monarchie pouvait le tirer du désordre et l’arracher à la ruine. Mais, pour fonder une monarchie, il fallait un monarque. En l’absence d’un prince qui s’offrît franchement et qui fût accepté de la nation, les succès mêmes du parti monarchique ne pouvaient être que des aventures.

  1. Lettre au président de la république sur la nécessité de réunir une convention pour chercher le remède soluble aux maux qui affligent la république.