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pour avoir apporté des caisses d’une monnaie de billon, la quartille, sur laquelle il y avait à gagner 400 pour 100, bénéfice que se réserve le gouvernement mexicain. Le vaisseau à trois ponts l’Asia, que son capitaine espagnol livra aux insurgés pendant la guerre de l’indépendance, est submergé aux trois quarts. On n’en aperçoit plus que les bastingages à demi démolis. Il forme un récif de plus au milieu des brisans dont le port est cerné. La frégate le Guerrero, transformée en un ponton de galériens, se balance lentement entre les débris de l’Asia et le château de Saint-Jean-d’Ulloa, bâti sur un îlot, qui sert de citadelle à la place. C’est un événement que de voir sur la tour du château les signaux qui annoncent un navire. Dès que se fait entendre la cloche que l’on sonne alors, tout le monde accourt pour jouir de ce rare spectacle. La population a disparu de la ville presque autant que les navires du port. La Vera-Cruz, sous le régime colonial, avait seize mille habitans, sans compter la garnison et les gens de passage; il n’y en a plus que quatre ou cinq mille. L’aspect de la ville est lugubre et désolé. La fameuse citadelle de Saint-Jean-d’Ulloa, que l’Espagne construisit à grands frais au milieu des bas-fonds du port, et qui a bravé les violentes tempêtes que le vent de nord-ouest entraîne avec lui, ne tient pas contre l’insouciance des Mexicains indépendans, et se délabre de jour en jour. De temps en temps, quelques soldats apparaissent, mal vêtus et mal armés, dans les embrasures, et attestent que l’état militaire du pays n’est pas moins que le reste en décadence. Le môle qui du rivage s’avance dans le port, pour faciliter le débarquement des voyageurs et des marchandises, n’est plus entretenu; chaque hiver, la mer furieuse en détache des pans de maçonnerie que l’on ne remplace pas. Les clochers de la ville sont écornés par les boulets et les bombes. La fièvre jaune est la seule chose qui ne baisse pas à la Vera-Cruz. »

Que l’on compare le Mexique avec un autre état de l’Amérique qui, lui aussi, a voulu le gouvernement monarchique, mais qui, plus heureux que le peuple mexicain, a pu satisfaire son vœu. Le Brésil, il y a un demi-siècle, était moins peuplé que le Mexique. Il était plus en arrière dans les arts utiles. Il n’est pas plus privilégié sous le rapport du climat, il l’est même moins, car il n’offre pas à cet égard cette succession si profitable quand elle est par échelons rapprochés, comme sur le territoire mexicain, dont nous signalerons les principaux effets dans la suite de cette étude. Dans ses ressources minérales, le Brésil ne présente rien qui puisse être mis en parallèle avec ces filons argentifères d’où le mineur mexicain a tiré tant de millions, qui cependant ne donnent qu’une faible idée de ce qu’on en extraira un jour. Au commencement du siècle, le Brésil