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qui exerce sur leur produit mutuel la plus grande somme d’influence. On cite même (chose étrange!) des femelles qui, fécondées d’abord par un mâle, et, un ou deux ans après, par un autre, donnent dans leur dernière portée des petits sur lesquels l’influence du premier mâle paraît avoir persisté. Quoi qu’il en soit de ces inexplicables problèmes, celui des deux parens qui race davantage est celui dont la santé est la meilleure, dont la force est la plus grande, dont le sang est le plus ancien. On sait que les animaux tout récemment améliorés, les métis et les demi-sang de formation nouvelle, sont des reproducteurs peu sûrs et d’action capricieuse, dès qu’on les unit à des bêtes de race pure. Aussi, lorsque M. Malingié, de regrettable mémoire, voulut créer sa race de la Charmoise, eut-il soin de détruire par de nombreux croisemens préalables le caractère propre des brebis qu’il destinait à ses béliers new-kent. Cette puissance d’action, qui est due à l’antiquité de la famille, porte le nom d’atavisme, et elle est telle que l’arrière-petit-fils fait parfois revivre un défaut ou une qualité que ne présentaient plus ni son père ni son aïeul; mais ce qui peut-être prouve encore le mieux cette persistance de l’atavisme ou de l’hérédité, c’est l’aptitude particulière que possède notre race chevaline du Poitou à donner les meilleures jumens mulassières que l’on connaisse. Évidemment ni les formes ni l’éducation ne concourent à ce résultat. La jument poitevine conçoit du baudet plus facilement que toute autre et donne de meilleurs mulets, parce que l’ancienneté des rapports qui existent entre sa race et l’espèce asine a imprégné son père, sa mère et elle-même d’une disposition occulte à mieux recevoir une semblable fécondation[1]. Toute autre explication serait inadmissible.

Plusieurs agriculteurs, s’appuyant sur l’exemple du mulet, qui ressemble surtout à l’âne, et sur l’exemple du bardot, qui ressemble davantage au cheval, inclinent à croire qu’en toute occasion le père transmet plutôt ses formes extérieures, et la mère ses conditions vitales internes avec son caractère : d’où il résulte qu’il faut beaucoup compter sur celle-ci pour conserver aux petits l’aptitude nécessaire à vivre là où ils devront naître, et qu’en dehors même de la raison d’économie provenant de ce qu’un seul mâle suffit à un grand nombre de femelles, il y a toujours avantage à employer le mâle comme agent améliorateur.

Tandis que l’influence du père sur les formes s’exerce, quoique générale, plus puissamment sur les parties antérieures du corps, l’influence de la femelle, quand elle devient possible, se limite plus particulièrement aux parties postérieures de son croît, et elle sem-

  1. Voyez à ce sujet, dans le n° du 20 novembre 1861 du Journal d’Agriculture pratique, un article de M. Gayot.