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rages naturels assureraient aux herbivores. C’est ainsi que les fleurs du trèfle incarnat et les gousses des plantes à grains ronds (vesces et pois) occasionnent parfois chez les chevaux, et surtout chez les poulains, des maladies assez graves. C’est ainsi encore que la météorisation est fort à redouter pour tous nos animaux domestiques, quand on ne surveille pas suffisamment l’emploi en vert des plantes qui forment la majeure partie de nos prairies artificielles. Ailleurs, c’est l’abus des pulpes ou des drèches qui débilite les bêtes et compromet leur santé, et cette question de l’alimentation mérite d’autant plus de la part des cultivateurs un examen sérieux, qu’elle se lie intimement à la question du système de culture qui doit être adopté.

Il peut être parfois avantageux de tenir les animaux renfermés dans une étable qu’ils ne quittent presque jamais, et où ils reçoivent tous les soins nécessaires. Ce régime, qui ne laisse gaspiller par le piétinement aucun brin de fourrage, qui ne laisse perdre par une diffusion intempestive aucun atome de fumier, qui permet enfin à la bête, en lui évitant toute fatigue, tout mouvement inutile, de profiter mieux de la nourriture qu’elle consomme, a reçu le nom de stabulation permanente. Parfaitement applicable au bétail que l’on engraisse, ce régime peut encore être imposé, dans le sein des villes, aux vaches laitières, dont il finit néanmoins par altérer la santé; mais, avouons-le, il est beaucoup trop contraire à la nature des choses pour convenir à un grand nombre de fermes, et bien souvent un système mixte de pâturage et de stabulation est infiniment préférable. La stabulation permanente compromettrait l’avenir des jeunes animaux que l’on élève, et dont le parfait développement exige une plus grande liberté d’allures. Elle s’accorderait mal également avec les conditions culturales d’un pays pauvre, dont l’herbe pousse trop rare et trop courte pour qu’il n’y ait point économie à laisser aux bêtes le soin d’aller la brouter elles-mêmes. Le pâturage, qui est tout l’opposé de la stabulation, convient seul à ces derniers pays, comme aux contrées montagneuses, dont les mauvais chemins rendent singulièrement difficile la rentrée des récoltes. Il est enfin en usage dans certaines provinces dont le sol fécond, mais trop humide pour la charrue, produit en telle abondance une herbe de bonne qualité, que les animaux y prennent un rapide embonpoint. On nomme près d’embouche ces gras pâturages, et ils font la fortune des cultivateurs qui les possèdent, car ils produisent beaucoup, tout en exigeant peu de travail. La Saintonge, la Vendée, la Normandie, le Charolais et le Nivernais en offrent, en France, les plus frappans exemples.

Pour que les animaux apportent dans la consommation de l’herbe un ordre régulier, et qu’ils ne se fatiguent pas inutilement à va-