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guer au milieu d’espaces considérables, on divise souvent les pâturages en plusieurs parties que l’on ouvre successivement au bétail, et ce dernier système nous semble, sur les grands domaines, bien préférable aux dangereuses entraves à l’aide desquelles on s’efforce parfois de retenir les bêtes prisonnières dans la prairie. Le pâturage au piquet, qui passe cependant pour un des meilleurs, empêche les animaux de se rendre à l’abreuvoir, quand la soif se fait sentir. Il ne leur permet ni de se bien défendre contre les attaques des insectes, ni de rechercher un abri contre la pluie ou contre le soleil. Il ne vaut donc pas le pâturage pur et simple dans une prairie parfaitement close, où l’on a pris soin de disposer quelque hangar rustique. Du reste, dès qu’une prairie ne fournit sous la faux que 1,000 ou 1,100 kilogrammes de foin sec par hectare, la conversion de cette prairie en pâturage est ordinairement ce qu’il y a de mieux à faire.

De même qu’il y aurait presque toujours avantage à labourer, en les fumant mieux, un nombre d’hectares moins considérable, il y aurait également profit à mieux nourrir un moindre nombre de bêtes. Le maintien de la vie consomme chez les êtres vivans une certaine proportion d’alimens, et la force, le lait et la graisse ne se produisent chez eux que par la somme de nourriture qui dépasse leur indispensable ration d’entretien. Là se trouve l’explication du faux adage qui prétend que le bétail est, dans une ferme, un mal nécessaire. En se bornant à empêcher une bête de mourir de faim, on dépense improductivement tout ce que coûte sa nourriture, et les bénéfices à en tirer ne commencent qu’au-delà de cette limite, pour suivre alors une marche progressive. C’est donc faute de l’avoir nourri assez pour en tirer tout le profit possible que la plupart de nos paysans ont à se plaindre de leur bétail. En moyenne, la ration d’entretien exige, par vingt-quatre heures et par chaque 100 kilogrammes de chair vivante, environ 2 kilogrammes de foin ou l’équivalent, d’où il suit que porter à 3 kilogrammes la ration alimentaire des animaux n’est à peu près que le strict nécessaire. Dans les cas d’engraissement, de travaux pénibles ou de rapide croissance, cette proportion serait encore insuffisante, et la nourriture devrait plutôt être laissée à l’entière discrétion de l’animal[1]. Quelle que soit d’ailleurs la quantité de nourriture servie aux animaux, ceux-ci ne seront bien entretenus que si cette nourriture leur est régulièrement distribuée : régulièrement quant aux heures, afin que les repas ne soient jamais attendus avec trop d’impatience, régulièrement quant au volume et aux quantités, afin que l’estomac, toujours satisfait, ne passe point par de pénibles alternatives de jeûne et de surcharge,

  1. Chez les vaches toutefois, une telle abondance aurait pour résultat de faire tarir le lait en activant trop leur embonpoint.