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mation à froid, qui repose sur l’emploi du mercure et de quelques ingrédiens beaucoup moins chers, tels que le sel et une substance appelée dans le pays le magistral[1]. Elle permet d’extraire le métal des minerais pauvres sans avoir à les fondre, par conséquent sans combustible, circonstance bien heureuse dans un pays où les bois n’étaient déjà pas communs à l’époque de la conquête, et où les Espagnols les ont détruits comme dans tous les pays à peu près où ils se sont établis. Elle présente en outre l’avantage de se prêter à une exploitation fort en grand ; mais si elle ne dévore pas de combustible, elle consomme du mercure. On calcule que, pour produire 1 kilogramme d’argent, on sacrifie 1 kilogramme 1/2 de cet autre métal. On voit par là que l’abondance et le bas prix du mercure sont les conditions d’une grande production d’argent, d’une grande activité dans les mines. C’est ce qui explique les réclamations incessantes que les mineurs mexicains autrefois adressaient à la cour d’Espagne, pour qu’elle leur vendît à un prix modéré le mercure dont elle avait le monopole : la majeure partie du mercure livré au marché général et tout celui qui allait à Mexico provenaient de la mine d’Almaden, qui appartenait à la couronne d’Espagne[2].

Il avait été fait droit à ces réclamations. A partir de 1777, le mineur mexicain payait à Mexico le mercure sur le pied de 5 francs le kilogramme seulement. Après l’indépendance, le gouvernement espagnol ayant mis en ferme la mine d’Almaden, le fermier en a exagéré le prix, et jusqu’à ces derniers temps, le mercure revenait au mineur mexicain de 15 francs 50 à 17 francs 50 le kilogramme, selon l’éloignement de la mine. Cette nécessité absolue d’avoir du mercure pour retirer l’argent du minerai rend compte aussi des sollicitations des exploitans près des vice-rois qui en étaient dépositaires, et qui souvent ne craignaient pas de s’en faire payer cher la répartition.

Dans les circonstances où était placée l’industrie des mines d’argent, ce fut pour elle un grand bienfait que la découverte faite en Californie, il y a quinze ou vingt ans, de mines nouvelles de mercure d’une richesse supérieure. Les Américains du Mord, une fois les maîtres du pays, en ont fait la reconnaissance et organisé l’exploitation avec cette incomparable activité qui les caractérise. Ils y ont été aidés par la situation des mines dans un des plus jolis et des

  1. C’est un minéral composé de sulfure de fer et de sulfure de cuivre, qu’on a préalablement calciné.
  2. Au commencement du siècle, les mines d’argent du Nouveau-Monde absorbaient annuellement 1,350,000 kilogrammes de mercure. Celles du Mexique à elles seules en consommaient 750,000. Les mines d’Europe, dont la principale de beaucoup était celle d’Almaden, en rendaient 1,750,000 kilogrammes, dont 1,150,000 allaient en Amérique. La mine de Huanca Velica, au Pérou, en fournissait une certaine quantité aux mines péruviennes.