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plus que Charles-Quint lui-même, puisque, de tous les rois issus de cette maison, c’est celui qui a imprimé le plus profondément son cachet sur le pays. Il y a mis au complet le despotisme politique et religieux, il en a fait une tradition à laquelle il a enchaîné l’Espagne par des chaînes si fortes que ce funeste régime lui a survécu deux siècles. Le titre de prince autrichien pourrait donc n’être aux yeux des Mexicains qu’une recommandation médiocre. Il ne faut pas perdre de vue non plus qu’il existe une incompatibilité de caractère entre les Germains et les races latines, dont les Mexicains s ait les rejetons, dont ils reproduisent le génie. Plus que d’autres, les Autrichiens, par la discordance des tempéramens, sont enclins à opprimer les races latines plutôt qu’à se les concilier en les gouvernant. L’Italie en a offert de nos jours la preuve trop manifeste. L’archiduc lui-même en sait long sur ce chapitre, et ses propres observations doivent parler haut dans son esprit.

Au lieu donc de lui donner de l’aide, l’origine de l’archiduc Maximilien lui suscitera plutôt des embarras. Les difficultés de sa situation à Mexico seraient insurmontables, s’il devait, comme à Milan, être gardé par une armée d’Autrichiens et entouré de fonctionnaires tedeschi fidèles aux coutumes de la bureaucratie autrichienne, recevant ou soupçonnés de recevoir leur consigne de Vienne; mais heureusement pour lui l’Autriche n’est guère en position de lui prêter des soldats. Pour ce qui est des administrateurs, si elle en a de bons, elle a lieu de se les réserver; elle en a l’emploi chez elle dans l’œuvre laborieuse de réorganisation politique, financière et administrative à laquelle elle s’applique si honorablement aujourd’hui. Pour réussir au Mexique, l’archiduc doit quitter Vienne pour la Vera-Cruz seul, son portefeuille sous le bras. Et on peut ici répéter un mot célèbre en disant que s’il réussit, ainsi que nous le souhaitons, ce sera non parce qu’il est Autrichien, mais bien quoiqu’il le soit.

Je suppose le prince arrivé à Mexico et monté sur le trône; immédiatement se présentera la difficulté suivante, entre plusieurs autres que je passe sous silence : le nouvel empereur pendant quelque temps aura besoin d’une certaine assistance militaire, car s’il restait sans appui au milieu de cette désorganisation absolue que présente l’état, le chef du nouvel empire serait à la merci de l’intrigue et du hasard, et son trône ne serait pas debout six mois. Ce corps étranger, quel serait-il? je veux dire qui le fournirait? Il ne faut pas se le dissimuler, il est à craindre que cette coûteuse corvée ne dût être faite par la France. Il est inévitable en effet qu’elle soit à la charge de quelqu’une des trois puissances alliées dans l’expédition; mais, pour l’Angleterre, les traditions de sa politique et les idées de la chambre des communes sont si bien connues que, sans se piquer du don de prophétie, on peut prévoir qu’elle se refuserait ab-