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Comme l’explique très bien M. de Viel-Castel, Louis XVIII, à sa rentrée en France, avait à résoudre une question non moins importante que l’organisation constitutionnelle du pays : c’était celle du système de ses alliances au dehors. Sans doute il devait en partie son retour à ces mêmes puissances étrangères entre lesquelles il lui fallait maintenant faire un choix; mais, ayant été leur protégé à toutes, il n’était particulièrement lié envers aucune d’elles, et demeurait ainsi parfaitement libre dans ses préférences. Il l’était même peut-être plus qu’aucun de ses prédécesseurs, car la violence des derniers événemens avait brusquement rompu, pour lai comme pour tous les autres souverains, la chaîne des traditions. Non-seulement rien ne l’empêchait d’inaugurer pour la France une politique extérieure toute nouvelle, mais les combinaisons ordinaires de notre ancienne diplomatie ne se trouvaient plus de mise en ce moment. L’extension exorbitante que les états de premier ordre avaient donnée à leurs armées, l’infériorité excessive qui en était résultée pour les gouvernemens secondaires, ne nous permettaient plus de nous appuyer uniquement sur d’aussi faibles alliés. L’Espagne avait trop baissé comme puissance maritime pour nous apporter à elle seule un suffisant concours. La Prusse était mal disposée, et rivée d’ailleurs à la Russie. Les tentatives de rapprochement avec l’Autriche, notre rivale en Italie, n’avaient jamais produit que des conséquences éphémères ou malencontreuses. A bien considérer les choses, il n’y avait alors d’alliance possible pour nous que celle de l’Angleterre ou de la Russie. Entre les deux, l’hésitation était naturelle; mais, s’il fallait faire un choix, ce qu’il ne souhaitait nullement, Louis XVIII n’hésitait pas : il préférait l’alliance anglaise. M. Thiers, dans son intéressant récit du congrès de Vienne, a blâmé cette politique et reproché vivement à M. de Talleyrand de s’en être fait l’instrument. Il s’est efforcé d’établir par de nombreuses et puissantes considérations que nous n’avions pas de motifs pour nous opposer aux projets de l’empereur Alexandre. Pourquoi cette fantaisie de prendre à notre compte, au nom d’un principe abstrait, la défense spéciale des droits du roi de Saxe, quelque respectables d’ailleurs qu’ils pussent être? Si le territoire de la Prusse devait être considérablement augmenté, ne valait-il pas mieux qu’il s’agrandît du côté de l’Allemagne, aux dépens d’un prince de la confédération germanique, plutôt qu’à notre détriment sur la rive gauche du Rhin?... Quelle idée de placer la Prusse en guise de sentinelle avancée à la porte même de nos frontières! En théorie, M. Thiers a certainement raison. Peut-être se fait-il cependant quelque illusion quand il avance, trop hardiment selon nous, qu’en nous unissant à la Russie, nous aurions facilement imposé alors nos volontés à l’Europe. De cela même nous ne voulons point discuter. Notre dessein est plus