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du monde. Cette dernière circonstance explique assez comment, tandis que les professional crickcters sont, dans toute la Grande-Bretagne et jusqu’aux extrémités du monde anglais, des hommes populaires, considérés et estimés, les professonal runners au contraire se voient généralement dédaignés, même par ceux qui les applaudissent.

Les Anglais cultivent encore beaucoup d’autres exercices gymnastiques. Comme ils vivent dans une île, on ne s’étonnera point si la natation est chez eux un art national. Un célèbre nageur, Beckworth, q :ii se décore du nom de champion a une fille de sept ans, miss Jessie, et deux autres enfans, l’un de cinq et l’autre de trois ans, qui le suivent dans l’eau et sous l’eau, ainsi qu’une famille de dauphins. Un autre professeur de natation s’est jeté, il y a quelque temps, d’une hauteur de quatre-vingts pieds, a tiré dans son voyage aérien deux coups de pistolet, et, une fois au fond de l’eau, a passé tranquillement un pantalon tout aussi bien que s’il eût été dans son cabinet de toilette. La mer et les rivières donnent lieu en même temps à un autre genre de sport qui est encore bien plus développé : je veux parler de l’art nautique. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on a comparé l’Angleterre à un vaisseau : ce vaisseau de terre, jeté sur l’Océan à la suite des révolutions géologiques, est représenté en quelque sorte par une multitude d’yachts, de barques et de pirogues que manœuvrent des amateurs. Vienne le printemps, et la vieille Albion rajeunit toutes les années au milieu de la fête des eaux. Une des premières luttes qui excitent alors la curiosité est celle des rameurs de l’université d’Oxford contre les rameurs de Cambridge. Les regattas attirent ensuite des milliers de personnes durant l’été au bord de la mer ou sur le cours des fleuves. Si le navire, selon l’expression d’un Anglais, est le cheval des eaux, les canots fins et légers qui se disputent sur la Tamise le prix de vitesse doivent en être les gazelles. C’est merveille de voir comme ils courent, sautent, bondissent à la surface du sombre fleuve ! Les confréries de nautoniers et de canotiers se sont depuis longtemps organisées dans toute la Grande-Bretagne en clubs très nombreux et très puissans, dont chacun a ses couleurs, ses traditions, ses annales et sa célébrité. Il y en a pour tous les rangs de la société, pour toutes les formes imaginables d’yachts ou de bateaux destinés à couper les eaux douces ou amères. Je ne m’arrêterai pourtant point à un divertissement qui se trouve représenté en France, quoique sur une échelle beaucoup plus restreinte. Il me suffira de dire que l’habitude de manier l’aviron, la voile et le gouvernail, en créant une sorte de familiarité avec les fleuves et la mer, a dû développer chez nos voisins l’esprit d’aventures. Trois Anglais traversèrent l’Océan il y a deux ou trois années, et se rendirent en Hollande