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elle s’y trouvera certainement. » Il m’a dit depuis qu’il n’avait jamais rien vu de pareil.

« C’est pourquoi je regarde comme heureux d’avoir pu, sans abandonner les principes, faire quelque chose que l’on puisse regarder comme un acheminement vers la réunion du congrès[1]. »


Le congrès ainsi convoqué ne devait jamais se réunir en corps. Ses attributions furent d’un commun consentement dévolues aux huit cours signataires du traité de Paris, formant entre elles un comité général subdivisé en commissions où les représentans des petits états étaient de temps à autre appelés pour y défendre les intérêts particuliers de leurs commettans. Est-il besoin d’ajouter que cela même n’était aussi qu’une apparence? En réalité, les questions considérables furent toutes préparées et débattues par les représentans des cinq grandes puissances, la France, l’Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie. Les affaires soumises au congrès étaient loin d’avoir toutes une égale importance; elles ne s’imposaient pas au congrès avec le même degré d’urgence. Quoique MM. de Talleyrand et de Labrador eussent dès le début réclamé très nettement l’expulsion de Murat et la restauration des Bourbons de Naples, toute délibération sur ce sujet avait été ajournée. Le sort réservé à la Pologne, auquel se liait forcément, comme nous l’avons déjà expliqué, celui de la Saxe, devint au contraire l’occasion d’une lutte immédiate et très vive; c’était le nœud gordien des négociations et la véritable question de paix ou de guerre qui pour le moment effaçait toutes les autres.

L’empereur Alexandre, échauffé plutôt que contenu par la résistance qu’il avait rencontrée chez M. de Talleyrand, continuait à demander le duché de Varsovie tout entier, aussi bien que la Saxe pour le compte de la Prusse. Ses vues, exprimées dans de fréquentes conversations avec les ministres d’Angleterre et d’Autriche, rencontraient chez ces deux hommes d’état un accueil assez différent. Lord Castlereagh, assez coulant sur le sort réservé à la Saxe, témoignait, quoique faiblement, peu de goût pour la création d’un royaume séparé de Pologne. M. de Metternich avait une égale répugnance pour les deux combinaisons; mais il redoutait une rupture avec l’empereur Alexandre qui aurait eu pour effet de le rejeter du côté de la France. Il avait d’ailleurs laissé échapper des paroles de semi-adhésion qui maintenant l’embarrassaient beaucoup et qu’il n’osait si vite démentir. Sur la reconstitution d’un royaume de Pologne doué d’institutions libérales et par conséquent dangereuses pour la sécurité des provinces voisines et polonaises despotiquement gouvernées, il avait de fortes objections qu’il se réservait de faire va-

  1. Lettre particulière de M. de Talleyrand à Louis XVIII, 9 octobre 1814.