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ticles réimprimés depuis en volume sous le titre de la Nouvelle révolution) lui aient valu la réputation de prophète et d’ingénieux penseur politique. S’il aime à généraliser, c’est en homme qui voit vraiment toutes les grandes données d’une question.

Dans ses instincts comme dans son intelligence, il n’a rien d’exclusif. Loin d’être rétréci par des antipathies, loin de céder à l’esprit de secte ou de parti, il se plaît à croire, au contraire, que chaque peuple est chargé d’élaborer un de ces mille aspects de la vérité qui ne peuvent tenir dans une seule formule, chargé de recueillir et refléter un de ces rayons partiels de la lumière pure qui un jour, pense-t-il, doivent se rapprocher. C’est là son espérance, le millenium de son rêve. Il espère que le temps approche où l’histoire cessera d’être aveuglée par des préjugés de race, et où elle deviendra un magnifique poème, en sachant suivre, à travers les conflits apparens, la glorieuse harmonie des efforts de l’humanité; il espère que le rapprochement des nations, jusqu’ici séparées, prépare une nouvelle ère où chacun des membres de la grande famille viendra verser, comme dans un réservoir commun, les fruits de son labeur pour enfanter une civilisation aussi large que la nature humaine. En attendant, cette disposition à rendre égale justice à tous le sert bien lui-même dans ses appréciations. Elle l’a aidé à saisir le sens des diverses religions de l’Inde; elle l’a mis à même de comprendre et de faire comprendre à d’autres combien on se trompe en se représentant la Chine comme un pays immobile et barbare. Quant à ce dernier empire, M. Patterson inclinerait à penser qu’il est encore destiné à se régénérer, et cela par les mêmes moyens qui l’ont déjà ranimé plus d’une fois, c’est-à-dire par les guerres et les révolutions. C’est la guerre en effet qui, aux yeux de l’auteur, est le grand agent de rénovation, et nous citons volontiers ce trait pour indiquer une des qualités qui ont le plus contribué à sa supériorité. Il est viril, il a le sentiment de la réalité, il ose la regarder en face, et cela n’est pas un mince avantage pour éviter toutes les extravagances qui aujourd’hui s’appuient sur tant de naïve sentimentalité.


J. MILSAND.


V. DE MARS.