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à ceux qui l’avaient appelé au trône, c’est-à-dire à l’aristocratie, qui avait chassé les Stuarts pour diriger à son gré et sans l’intervention du pouvoir royal presque tous les intérêts du pays. C’était au reste la perpétuelle tendance à laquelle avaient voulu imprudemment s’opposer, comme les rois du continent, l’infortuné Charles Ier et ses malheureux successeurs, qui rougissaient d’être si fort en retard, en fait d’absolutisme et de centralisation, sur tous les monarques de l’Europe. La royauté nouvelle et la classe prépondérante s’étaient comprises, elles ont continué de se comprendre jusqu’à nos jours, et l’Angleterre a marché et prospéré sous la direction et le pouvoir d’une des plus grandes unités de gouvernement qui aient jamais figuré dans l’histoire.

En effet, en prenant toute la hiérarchie des fonctions et des influences politiques ou administratives en Angleterre depuis la base de la société jusqu’au sommet, nous rencontrons toujours à chaque degré la même et unique origine, de l’autorité, c’est-à-dire la richesse, représentée d’abord exclusivement par les possessions territoriales, ensuite par la propriété industrielle ou commerciale, qui plus tard fut admise au partage de l’influence. Il s’éleva parfois des rivalités violentes entre les représentans de ces deux formes de la richesse, mais toujours la terre et l’argent furent l’origine de la puissance. Ce fait peut facilement se reconnaître des les débuts de l’établissement des Normands.

Fille directe et légitime de la féodalité, l’Angleterre a su, par je ne sais quelle sagesse ou quelle fortune, sans avoir recours aux traditions du droit romain, sortir sans trouble et sans bruit des embarras du servage, des droits féodaux, des complications des terres nobles et non nobles, de toutes ces difficultés inextricables léguées à nos pères par le moyen âge, et pour la solution desquelles la France faillit périr après 89. Pourtant, chez les auteurs les plus connus, on ne saurait où trouver sur cet immense, mais pacifique changement, une étude historique complète. Le servage des vilains, organisé des la conquête de Guillaume plus strictement peut-être qu’ailleurs, paraît avoir duré plus longtemps qu’on ne pense généralement, car lord Brougham raconte qu’à la suite de l’insurrection du peuple conduite par Wat-Tyler, le roi accorda une charte d’émancipation des serfs, et que cette charte fut révoquée bientôt par la noblesse (de 1379 à 1386). Comment donc s’opéra cette transformation du servage qui existait encore à la fin du XIVe siècle ?

À défaut de documens détaillés et certains, ne serait il pas permis d’affirmer que la solution anglaise de la plus grande des difficultés du moyen âge fut vraisemblablement celle-ci : les seigneurs et les lords, déjà puissans, prirent en toute propriété, par toute sorte