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même ses fours métallurgiques : de là, selon Diodore de Sicile, le nom d’Æthulia, c’est-à-dire l’île brûlée ou l’île des feux, que lui avaient donné les Grecs.

On voit encore le long du rivage, à Porto-Baratti, les scories provenant des fours à fondre le fer que les Étrusques avaient construits à Populonia. Sur une longueur de plus de six cents mètres et une hauteur moyenne de deux existe un immense dépôt de matières ferrugineuses que viennent battre les eaux de la mer. Çà et là se retrouvent aussi les pierres dont les fours étaient bâtis. Elles ont été fortement calcinées par la flamme, et présentent même sur plusieurs points un commencement de fusion. Les scories analysées indiquent chez les fondeurs étrusques une connaissance parfaite du traitement du minerai de fer. On sait d’ailleurs comment les scories se forment dans tout travail métallurgique : c’est la partie terreuse et stérile du minerai qui se combine dans la fusion avec les métaux étrangers et une certaine portion du métal utile. Étant plus légère que ce dernier, elle surnage et se sépare de lui à la coulée. Dans le travail des usines à fer étrusques, le rôle de la scorie était un peu différent, car les anciens ne traitaient pas le minerai comme on le fait aujourd’hui dans les hauts-fourneaux où l’on obtient la fonte. Ils retiraient dans une première fusion une masse de fer spongieux dont ils extrayaient par compression la scorie adhérente ; on réchauffait ensuite cette masse dans un deuxième foyer pour l’étirer en barres sous le marteau. On produisait de la sorte un fer doux ou aciéreux suivant les cas, et les instrumens de ce curieux travail, le marteau, l’enclume et les tenailles, sont encore représentés sur les monnaies de Populonia. Il n’y manque que le dessin des fours, et il est probable qu’ils devaient ressembler à ceux que divers pays, notamment la Catalogne et la Corse, ont continué d’employer jusqu’à ce jour. Le combustible en usage était le bois et le charbon de bois, dont on retrouve encore des débris au milieu des tas de scories. Il est facile de s’assurer par l’examen des rondins carbonisés que les essences qui végétaient à cette époque dans la Maremme étaient les mêmes qu’aujourd’hui. Les soufflets étaient alors inconnus, et pour lancer l’air dans le foyer, on comptait sans doute sur la brise de mer, ce qui explique la position littorale des usines de Populonia.

Après la conquête de l’Étrurie, les Romains laissèrent ces fours allumés, et nous voyons dans Tite-Live qu’à l’époque de la seconde guerre punique, Populonia fournit à Scipion l’Africain tout le fer dont il avait besoin pour son expédition contre Carthage[1]. Sylla ravagea la ville étrusque, mais dut respecter ses usines, dont l’utilité

  1. Tite-Live, déc. III, liv. VIII.