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de dessèchement, de colmatage et d’endiguement entrepris jusqu’à ce jour. Vers Follonica et Castiglion della Pescaia, des lieux autrefois foulés par le pied de l’homme sont toujours immergés, et l’on peut voir sous ces eaux stagnantes les dalles de l’ancienne voie romaine Émilia. Les habitans de ces pays désolés, ceux que leur métier force à y séjourner toute l’année, ne bravent pas impunément un air aussi méphitique. Ils y acquièrent en peu de temps un teint jaune et maladif, caractéristique de la fièvre paludéenne qu’ils portent pour jamais avec eux et qui les consume lentement. « Nous ne vivons pas, nous mourons, » disait un pauvre contadino ou paysan de la Maremme à un touriste anglais qui lui demandait comment l’on pouvait vivre sous un climat aussi dangereux.

L’écoulement rendu facile aux eaux littorales, le drainage, le défrichement des maquis et l’introduction de la grande culture, enfin la plantation des dunes, sont des moyens excellens pour écarter le mal. On régularise ainsi le régime des eaux, on modifie la composition de l’humus et on purifie l’air. Le mélange des eaux salines de la mer avec les eaux douces du rivage doit être aussi soigneusement empêché, parce que les sels contenus dans l’eau de mer facilitent l’altération des substances organiques renfermées dans les eaux douces du littoral, et que ces substances, en se décomposant, étonnent naissance à des gaz méphitiques. C’est par de tels moyens que l’on arrivera graduellement à l’assainissement complet de ces contrées. Depuis les Médicis, les gouvernans de la Toscane ont eux-mêmes, il faut le reconnaître, donné l’exemple pour atteindre à ce but désiré, à ce qu’on a nommé en style officiel le bonificamento della Maremma. Le dernier grand-duc, entre autres, a poursuivi pendant tout son règne et avec de louables efforts de grands projets d’assainissement. Son exemple a entraîné les riches propriétaires, et de Torre-Mozza à Follonica le chevalier Franceschi a commencé de faire ce que M. Desiderii a si bien exécuté dans la plaine de Populonia.

La nuit était venue quand nous sortîmes des maquis et des terres de M. Franceschi. Nous quittâmes la voie Émilienne pour suivre l’embranchement qui mène à Follonica. Les chevaux prirent le galop. À droite, et à gauche de la route, des milliers de lucioles volant au-dessus des bruyères répandaient dans L’air une éclatante lumière. La température était douce et fraîche à la fois ; les étoiles brillaient au ciel, où resplendissait aussi le disque de la lune ; la comète elle-même, la comète de 1858, si belle alors en Italie, traçait au firmament sa courbe étincelante. La clarté transparente de la nuit excitait nos bêtes, déjà aiguillonnées par le voisinage de l’écurie. Jamais promenade triomphale ne fut si poétiquement éclairée,