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du puits, nous allâmes sortir au pied du treuil devant les ouvriers étonnés. Mon guide ne soufflait mot : il avait peine à digérer sa mésaventure ; il était furieux d’un si triste dénoûment après un si beau début. Cependant il commença peu à peu à se dérider, et m’accompagna devant les fours où l’on calcine la pierre, et qui sont semblables aux fours à chaux. De là nous passâmes aux chaudières de dissolution et de concentration, puis l’atelier de cristallisation nous fut ouvert. Je pus y admirer à mon aise l’étrange phénomène en vertu duquel les cristaux d’alun se rassemblent en grappes autour d’un obstacle quelconque, un fil ou un bâton, jeté dans les tonneaux où sont amenées les solutions. Je passai enfin aux magasins où les cristaux sont séchés et mis en caisse. Le directeur m’y montra avec orgueil ses produits d’une blancheur et d’une netteté remarquables ; il me vanta sa marchandise, à la fabrication de laquelle il avait certainement contribué pour une bonne part ; il me dit qu’il en faisait pour cent cinquante mille kilogrammes chaque année, et m’assura, en forme de péroraison, que son alun était plus estimé dans le commerce et se vendait mieux que celui de Rome. Je n’engageai là-dessus aucune discussion par motif d’incompétence, et parce qu’aussi l’heure du dîner était venue. J’allai partager le repas de famille que m’offrit l’excellent directeur, et dans l’après-midi de cette journée si bien remplie je quittai Montioni le cœur content et l’esprit satisfait.

Nous venons de parcourir la partie la plus pittoresque et la plus curieuse du littoral de la mer Tyrrhénienne, celle qui s’étend entre Livourne et Grosseto. En chemin, nous avons même poussé quelques pointes dans l’intérieur, comme à Campiglia, et en dernier lieu à Montioni. La partie de la Maremme toscane comprise entre l’Ombrone et la Fiora, c’est-à-dire entre Grosseto et la limite sud du grand-duché, présente, comme la première, un rivage malsain et presque désert, mais riche aussi de souvenirs. C’est là que le promontoire Télamon, et sur la péninsule pittoresque formée par le mont Argentario, le port d’Hercule, se retrouvent, aussi bien que le cap Troja, avec les mêmes noms qu’ils portaient dans l’antiquité et que leur avaient donnés les Pélasges. Orbetello, sur une langue de terre s’avançant au milieu d’un étang marin, et Porto-San-Stefano, opposé à Télamon à la base du mont Argentario, sont les deux principales villes littorales de cette portion de la Maremme. Les ruines étrusques sont ici éloignées de la côte : c’est Roselle près d’Orbetello, Cosa, Saturnia, Sovana, vers la frontière des États-Romains. Sur la mer est l’île granitique de Giglio ; plus bas, on rencontre celle de Giannutri. Au nord, quelques îlots à fleur d’eau, perdus