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trois fois grandes comme les nôtres, voltigent à travers les joncs et les fleurs aquatiques. La famille des papillons est innombrable, riche et variée à l’infini. Dans toutes ses créations, l’homme excepté, la nature déploie, à ces latitudes, la puissance, la richesse, la force, sous l’influence des pluies et du soleil immodérés de l’équateur.

Les voyageurs suivaient un chemin parallèle au cours du fleuve Malagarazi, le plus puissant affluent du lac Tanganyika. Ils coupèrent plusieurs cours d’eau tributaires du fleuve, traversèrent le district de Kinawani et parvinrent, le 13 février 1858, sur une hauteur d’où une longue ligne blanchâtre se dessinait dans le lointain. Ils obtenaient enfin la récompense de leurs peines et de leurs efforts : le grand lac se déroulait sous leurs yeux. Rien, paraît-il, de pittoresque et de magnifique comme le Tanganyika, enveloppé dans sa ceinture de montagnes et illuminé par les splendeurs d’un soleil tropical. En bas et autour, l’œil contemple sur le premier plan les pentes abruptes et raides de la montagne au pied de laquelle court, avec de nombreux détours, le sentier des piétons, bande étroite et toujours fleurie de gazon couleur émeraude. Au-dessous s’étend une ceinture resplendissante d’un sable jaune bordée tantôt par des joncs épais et tantôt frappée par les bagues claires et brillantes. Plus loin, en face, s’allonge la vaste nappe d’eau, d’un bleu doux et lumineux, qu’un léger vent du sud-est frise d’une écume couleur de neige. À l’arrière-plan se dessine un mur haut et droit de montagnes à teintes d’acier, éclairé par de vifs reflets, et découpant sur une atmosphère d’azur ses échancrures rudes et sévères. À l’opposé, du côté du sud, sur un terrain bas, le Malagarazi court avec violence, et décharge dans le lac ses eaux saturées d’une argile rougeâtre. Là s’allongent les pointes et le cap d’Ugubha, et si la vue plonge au-delà, elle entrevoit un groupe de petites îles tachant le lointain horizon des flots. Les villages, les cultures, les nombreux canots des pêcheurs, le bruissement éloigné des vagues battant la plage, tout cela donne à ce magnifique paysage le mouvement, la variété, la vie. En même temps les mosquées, les kiosques, les palais, les villas, les jardins, les vergers semés dans la campagne, complètent, par leur contraste avec la magnificence et les profusions de la nature, ce merveilleux spectacle. « Quel charme, s’écrie M. Burton, que l’aspect des rians rivages de cette puissante crevasse que l’on appelle Tanganyika après les baies silencieuses de l’Afrique orientale avec leurs palétuviers semblables à des spectres, après la monotone traversée du désert, les jungles sans fin, les rocs sombres, les plaines brûlées du soleil, les marécages couverts de grandes herbes plates ! C’est la