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la pluie tomba d’abord en ondées, puis par torrens, et le vent soulevait de longues vagues. Les équipages, atterrés, trempés, poussaient des cris, et ils ne recouvrèrent la raison que quand l’orage eut cessé. Le retour de l’expédition se fit avec assez de promptitude ; neuf jours après le départ d’Uwira, elle rentrait dans Ujiji.

L’exploration du lac Tanganyika a eu l’important résultat de nous faire bien connaître la topographie de cette partie de l’Afrique centrale. Depuis qu’on avait appris par les récits arabes et indigènes l’existence d’une mer intérieure, on était tombé dans plusieurs erreurs, dont la principale consistait à confondre, en les réunissant en un seul, différens systèmes d’eau que l’on appelait Unyamesi, Nyanza, Ukevéré. Nous savons maintenant qu’il y a à la côte est d’Afrique trois grands bassins distincts : le Tanganyika, celui que nous venons de voir ; plus au nord, le Nyanza, dont M. Speke a reconnu les bords méridionaux, et plus au sud le Nyassa, c’est-à-dire ce Maravi qui de toute antiquité figurait sur les cartes de l’Afrique. C’est par le missionnaire Livingstone que le bassin du Nyassa a été reconnu.

La nappe distincte du Nyanza est séparée du Tanganyika par de hautes montagnes. La partie que l’on en connaît coupe le deuxième parallèle sud. Il est probable que ce lac remonte au-delà de l’équateur, que la chaîne à laquelle appartiennent les pics Kilimandjaro, Kenia et Ambolola en forme le bassin, et que de ses eaux s’échappent les premiers filets qui forment le Nil à sa naissance. M. Speke a visité sur son rivage méridional les pays d’Uquimba, d’Osabi, d’Uhendi, en s’arrêtant aux stations de Salawé, Néra, Urimia, Ukumbi, qui sont des marchés d’esclaves et d’ivoire. Dans le lac même, il a vu les parties méridionales des îles Ukevéré et Mazita. La dépression de cette nappe d’eau est extraordinaire : elle s’étend à 1,143 kilomètres au-dessous du niveau de la mer, à laquelle le Tanganyika n’est inférieur que de 564 kilomètres. La partie septentrionale paraît être inconnue même des populations qui s’étendent sur la côte sud. Celles-ci disent qu’il faut un mois pour le traverser. Les Arabes de Kazeh prétendent que ce lac reçoit à la hauteur de l’équateur une rivière appelée Kitanguré. Dans la saison des pluies, le Nyanza prend une vaste extension ; la profondeur du bassin paraît être considérable ; les bords, dans le sud, sont plats ou couverts de montagnes peu élevées ; l’eau est douce, elle a des teintes bleues et claires qui sous le vent du sud-est s’assombrissent, mais sans jamais prendre la couleur rouge et verte du Nil. Les îles d’Ukevéré et de Mazita sont très peuplées, et les habitans font un grand commerce d’ivoire. Le marche le plus important de cette précieuse denrée se trouve à Urudi, sur la côte orientale.