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des passes et des canaux naturels qui permettent de le remonter loin. Il est dominé dans sa partie inférieure par une chaîne de montagnes, dont un des sommets s’élève à 1,200 mètres. Les Portugais seuls avaient déjà parcouru quelques parties de cette rivière, et l’on sait que ce peuple a eu le tort et le malheur de maintenir une ignorance systématique sur ses découvertes pendant sa domination en Afrique. Le Shiré se jette dans le Zambèze entre deux points appelés Mazara et Senna. Quant au Zambèze, que l’on connaissait si peu naguère, il a été entièrement reconnu entre Quillimané et Têté ; son cours est interrompu en un lieu appelé Cavravassa par une cataracte où il faut recourir pour les embarcations au portage. Le district de Têté est fertile et riche en métaux, mais il a beaucoup à souffrir des inondations qui suivent la saison des pluies. Aussi les indigènes exhaussent-ils leurs maisons par un système de pieux, comme on le fait aussi dans l’archipel de la Sonde. Au-dessus de ce district, le fleuve est interrompu par une autre cataracte d’une étonnante magnificence, à laquelle le voyageur anglais a donné le nom de Victoria. Il a en cet endroit, appelé par les indigènes Mosiotunya, plus de 90, mètres de profondeur sur 1,692 de large ; les berges ont 25 mètres de haut. Cette énorme fissure forme brusquement un angle droit ; l’eau s’y précipite avec fracas, se couvre d’écume, puis est rejetée subitement à gauche avec des bouillonnemens tumultueux. Ce bassin est dominé par des promontoires chargés de verdure, d’où l’on voit dans le lointain le fleuve, rétréci à la largeur d’une trentaine de mètres, rouler ses eaux verdâtres et encore agitées. Même dans les basses eaux, la masse qui tombe est énorme, et deux colonnes de vapeur qui montent et la dominent reflètent le soleil, et encadrent ce merveilleux paysage dans les splendeurs d’un arc-en-ciel permanent. C’est en novembre 1860 que M. Livingstone a visité cette cataracte de Mosiotunya.

Un autre affluent de l’Océan-Indien, qui débouche en face des lies Comores, et dont le cours supérieur paraît être en communication avec le lac Nyassa, le Rowuma, a été exploré en 1861 par M. Livingstone, qui l’a remonté sur un petit steamer le Pioneer, dans une longueur de 50 kilomètres. Ce fleuve, comme le Zambèze, est embarrassé par une succession de bancs de sable d’une vaste étendue. Les bords, d’une rare beauté, s’élèvent à 300 mètres de hauteur, et sont chargés d’une riche verdure. Au-delà du point où l’expédition s’est arrêtée, son lit se rétrécissait, et il coulait plus profond entre des gorges de rochers d’une grande élévation. C’est une prochaine expédition qui décidera si réellement les eaux de ce fleuve communiquent avec celles du Nyassa.