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soit pas recherché, et que, lorsqu’on le réclame, on ne l’obtienne pas. Où ces difficultés nous ont-elles conduits ? A constituer de véritables monopoles pour des associations de capitaux fondées et dirigées exclusivement par des capitalistes. On pourra objecter que du moment où toutes les grandes compagnies financières et industrielles ont revêtu cette forme dans les conditions posées par le conseil d’état, il n’y a pas lieu d’en modifier l’organisation. À cela nous répondrons que les compagnies de chemins de fer étrangers, qui ont inondé le marché français de leurs titres, ont toutes établi des prix d’apport de concession, et même une part bénéficiaire pour leurs administrateurs dans les résultats de leur exploitation. À l’origine des concessions de voies ferrées, le chemin de fer de Saint-Germain et celui de Paris à Rouen ont été constitués avec un apport très considérable au profit de leurs fondateurs, dix mille actions de jouissance pour celui de Saint-Germain, si nos souvenirs sont fidèles. Il est vrai que la loi de 1845 ne permet plus aux concessionnaires de chemins de fer de se faire rémunérer de leur concession ; mais ne sait-on pas comment la loi a été éludée ? Cependant pourquoi cette loi n’est-elle pas appliquée aux sociétés étrangères qui sont presque exclusivement alimentées par des capitaux français, et sont reconnues en France au même titre que nos sociétés anonymes ? Pourquoi ce qui est autorisé pour ces sociétés étrangères ne le serait-il pas pour des sociétés françaises dont l’existence importerait tant aux progrès de notre industrie ? N’est-ce pas cet avantage des apports qui a conduit les entrepreneurs de grandes sociétés à pousser les capitaux de la France vers l’extérieur ? Le système avec lequel on ne reconnaît ni apports ni avantages particuliers aux organisateurs, promoteurs, fondateurs ou directeurs d’une entreprise en France, a-t-il donné des résultats avantageux, soit pour l’intérêt général, soit pour la moralité publique ? N’a-t-il pas au contraire conduit à toute sorte de biais répréhensibles et à la duplicité dans les affaires ?