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qui ont réclamé cette forme sociale, le conseil d’état ne continue à chercher des moyens d’accommoder ses principes aux nécessités de la situation. Il a dû le faire déjà pour deux grandes compagnies qui ont obtenu l’anonymat à Paris[1], dans des conditions sans doute fort difficiles, car elles étaient le produit de fusions de sociétés diverses.

Voyons maintenant quelles ont été les autres conséquences de la législation existante. Les hommes en général, surtout ceux que leur vocation ou leur éducation fait vivre dans ce qu’on nomme le monde des affaires, ne dépensent pas leur temps, leur intelligence et leur travail sans chercher à en retirer des profits. Il n’y a là rien que de juste. Le goût du bien-être et le désir de la richesse sont trop naturels, et ont enfanté trop de résultats utiles à tous, pour que nous songions à déverser le blâme sur ces puissans mobiles de nos progrès matériels. Aussi, lorsqu’il s’est organisé de grandes associations sous la forme anonyme, laquelle ne reconnaissait ni apports bénéficiaires ni avantages particuliers aux fondateurs et aux administrateurs, a-t-on dû rechercher d’autres élémens de rémunération pour un travail et un concours dont légalement on ne voulait pas admettre le prix. C’est alors, après avoir longtemps agi sur l’opinion, après l’avoir pour ainsi dire façonnée, que l’on a pu, en fondant de grandes sociétés financières et industrielles, faire escompter par le public, au profit des fondateurs, promoteurs et concessionnaires de ces entreprises, les bénéfices qui devaient plus tard résulter de l’exploitation. Ainsi s’est propagé l’expédient désigné par les mots : émission d’actions avec primes, procédé qui fait payer d’une autre façon aux actionnaires les avantages et les bénéfices que le conseil d’état ne veut pas consacrer. Nous n’avons point l’intention de jeter un trop grand blâme sur cet expédient, car il est peut-être cause que nous avons aujourd’hui près de 9,000 kilomètres de chemins de fer ; mais il nous conduit à l’importante question de la négociation de ces valeurs, de ces actions émises avec une plus-value par les grandes sociétés financières.

C’est la Bourse qui, par ses divers intermédiaires, a été le puissant mécanisme dont on s’est servi pour agglomérer les capitaux et les faire circuler ; mais le besoin qu’on avait d’elle a donné une large entrée à tous les abus. Ayant participé aux excès, elle a dû recevoir le contre-coup des mesures préservatrices dont la loi sur les commandites est la suprême expression. Pour satisfaire en effet à l’effervescence générale, la Bourse a étendu ses opérations, et elle a

  1. La Compagnie générale parisienne de chauffage et d’éclairage par le gaz et la Compagnie générale des omnibus.