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servi toute espèce de combinaisons. Que les sociétés financières et industrielles prissent la forme anonyme ou la forme commanditaire, peu lui importait, pourvu que la faveur attachée aux valeurs de toute nature maintînt sur le marché l’activité fébrile qui servait tous les jours à l’éclosion de nouvelles entreprises que l’engouement public accueillait avec une insatiable avidité. Il n’est pas besoin de rappeler des désordres présens à toutes les mémoires ; mais comment pourrait-on blâmer la Bourse d’avoir cédé à l’entraînement, lorsque, comme pour donner une sanction morale à toutes les spéculations qui se formaient-sur les valeurs fiduciaires de tout genre, un établissement privilégié, puisqu’il était anonyme, en possession d’un monopole, puisqu’aucun autre n’aurait pu être institué à côté de lui, avait écrit dans ses statuts, discutés et approuvés par le conseil d’état, la faculté de se livrer aux opérations de Bourse ? C’était alors comme un débordement du Pactole ; cet établissement distribuait d’énormes dividendes à ses actionnaires, et voyait ses titres tripler de prix. Que le public ait été saisi de vertige, on ne doit pas s’en étonner ; mais une disette dans notre récolte en céréales venant à surprendre la Bourse dans ce pêle-mêle de spéculations sur des valeurs de toute sorte et de toutes provenances, une crise éclate. Le gouvernement s’émeut, il veut réagir contre les désordres, financiers qui lui paraissent le plus grand danger à conjurer ; il prend des mesures pour empêcher l’émission de nouvelles valeurs ; il met des obstacles de police au marché libre, pour le détruire bientôt, sur la demande des agens officiels, dont les charges avaient atteint des prix exagérés, et qui, armés de la loi, profitent des circonstances pour revendiquer l’exercice de leur monopole. On impose un droit d’entrée à la Bourse, et enfin, faisant intervenir les grands corps de l’état eux-mêmes pour mettre un terme aux excès de la spéculation et de l’association, on décrète un impôt sur les valeurs mobilières, et on rend cette loi contre les sociétés en commandite par actions dont l’application vient de donner naissance à la plus contradictoire des jurisprudences.

Ces lois et ces mesures n’ont-elles pas été à l’encontre de ce qu’elles voulaient produire ? On a, par la loi sur les commandites, frappé le principe de l’association, on en a même rendu l’application désormais impossible. N’aurait-on pas, en portant atteinte à la liberté des transactions sur les valeurs mobilières, occasionné dans les fortunes privées une perturbation extrêmement funeste à la prospérité générale et à l’avenir des affaires ? C’est ce qu’il faut examiner à propos du rôle que remplit la Bourse dans le mouvement de notre richesse mobilière sous l’empire de la législation actuelle.

Le mouvement industriel et financier qui a conduit aux excès de