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années, toutes les formes de la propriété ? M. de Persigny est libéral, soit ; mais s’il nous était permis de lui donner un humble avis, nous oserions lui dire que sa politique en ces deux circonstances n’a point été conforme à son programme. On use vite les systèmes d’exception lorsqu’on les applique à outrance, lorsqu’on les met surtout en collision avec un principe aussi, vivace et aussi puissant que le droit de propriété. Mais nous nous-mêlons là de ce qui ne nous regarde point. Nous ne portons aucun intérêt à la conservation du régime actuel de la presse, et ce n’est pas à nous de conseiller la modération habile qui pourrait en prolonger la durée.

Nous avions espéré qu’une loi libérale serait votée pendant cette session touchant les sociétés commerciales. Nous avions vu en effet un projet de loi élaboré par le ministère du commerce, dont l’objet était de créer en France le système des sociétés à responsabilité limitée à peu près tel qu’il existe en Angleterre depuis six ans. Ce système aurait fait entrer dans le droit commun, sans recours à l’intervention du conseil d’état, la forme de la société anonyme pour les entreprises dont le capital n’aurait pas excédé 10 millions. L’avantage de cette forme pour les capitaux qui s’associent sous les garanties qu’elle offre, c’est que la direction sociale n’y appartient pas à un gérant à peu près omnipotent, mais à des administrateurs mandataires des actionnaires et révocables. Dans notre concurrence avec les industries étrangères, tous les encouragemens, toutes les facilités qui peuvent aider à l’association des capitaux sont en France un intérêt de premier ordre. Notre point faible dans cette concurrence est en effet l’insuffisance chez nous des accumulations de capitaux à laquelle nous ne pouvons suppléer que par l’association. À notre grand regret, le projet est sorti du conseil d’état embarrassé de dispositions réglementaires et restrictives qui lui ont enlevé le caractère libéral qu’il avait dans la rédaction primitive. Lorsque, comme vice-président du bureau du commercé, M. Lowe présenta à la chambre des communes le bill des sociétés à responsabilité limitée, ce fut avec l’entrain d’un économiste progressiste qu’il recommanda cette importante réforme. Il eût été plus nécessaire encore en France d’annoncer au public sur le ton de la confiance, et avec le langage qui donne l’impulsion aux intérêts et aux idées, une mesure qui est le complément obligé de nos traités de commerce. Au contraire, le conseil d’état a joint au projet de loi maladroitement amendé par lui un exposé rébarbatif entièrement dépourvu d’aperçus économiques, et qui, au lieu d’être la préface lumineuse d’une réforme commerciale, ressemble plutôt au préambule d’une loi pénale.

On dirait que l’empereur Alexandre songe enfin à faire une tentative sérieuse pour mettre un terme à la situation désolante de la Pologne. La nomination du grand-duc Constantin au poste de vice-roi des provinces polonaises ne peut être considérée que comme l’inauguration d’un système nouveau. Il faut attendre, pour se prononcer sur les chances de cette expérience, les mesures qui marqueront le caractère du gouvernement du vice-roi. Espérons que cette vice-royauté sera au moins une transition vers