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la couverte est entamée par le diamant. Cette couverte ou glaçure, est une glace véritable, autant par l’épaisseur que par la blancheur.

Dans l’Asie-Mineure, à Brousse, nous citerons comme une merveille la tombe émaillée du sultan Mohammed Tchéléby (Mohammed Ier). C’est là certainement un des plus riches monumens de ce genre. De forme octogone, comme la plupart des turbeh de Constantinople, il est entièrement revêtu, depuis la base jusqu’au sommet, la coupole comprise, de faïences de Perse, qui ont cette nuance turquoise que les Chinois nomment « bleu de ciel après la pluie. » Afin de mieux faire valoir le ton de ce revêtement, l’artiste l’a divisé en large damier, par des carreaux d’émail blanc, tandis que les arcs des fenêtres sont dessinés par un cordon de faïence bleu lapis. La porte d’entrée du turbeh, faïencée du haut en bas, est du style le plus pur. C’est l’arc persan dans toute son élégance, c’est-à-dire l’arc arabe ogival dont les courbes sont remplacées par des lignes presque droites. Le massif de cette porte creusée en demi-coupole est rempli par des côtes prismatiques, revêtues d’émaux, qui lui donnent un aspect aussi splendide qu’original. Le cordon carré qui l’encadre est en faïence sculptée et percée à jour dans le genre des frises de marbre ou de stuc des plus beaux monumens arabes. C’est un ruban de légendes dont les lettres, en émail blanc, sont en relief et comme posées sur un fond d’arabesques bleu lapis, bleu turquoise et or, formant un grillage en voussure, détaché lui-même du dessous, qui est d’une couleur différente. Ce n’est réellement plus de la faïence, mais de l’émail appliqué sur des terres cuites comme on le fait sur des bijoux. L’or, le blanc et toute cette gamme de tons bleus en font une merveille de splendeur et d’harmonie, où la perfection des détails ajoute encore au grand air de l’ensemble.

On est étonné, lorsqu’on a vu travailler les potiers orientaux, de leur habileté manuelle. Là, aucun de ces procédés mécaniques, de ces instrumens de précision, de ces décalques irréprochables de lignes dont on se sert chez nous, et cependant la symétrie n’en est que plus parfaite. Quelques points de repère, quelques poncifs leur suffisent pour exécuter les dessins de lignes géométriques et les arabesques les plus compliquées. Ce qui nous frappe surtout dans ces produits de la céramique orientale, c’est une simplicité de moyens, une facilité d’exécution merveilleuses. On ne peut s’imaginer à quel point il serait difficile, et surtout dispendieux, de faire la même chose chez nous à l’aide de nos procédés. Ces belles faïences se fabriquaient entre Brousse et Nicée, dans un établissement fondé à l’instar des fabriques d’Ispahan, de Bagdad et de Chiraz. On avait fait venir de la Perse d’habiles ouvriers pour diriger les travaux ; dès lors cette mode élégante s’implanta dans ces contrées, et répandit