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fabrication y devint une branche importante de l’art et de l’industrie. Lucca della Robbia fut le premier artiste connu qui, en 1430, commença la fabrication de ces belles terres émaillées devenues célèbres sous le nom de majolica et de terra invetriala. Un peu plus tard, de 1520 à 1540, un artiste de Pesaro, nommé Fontana, perfectionna cet art, que les ducs de Toscane encouragèrent de tout leur pouvoir. La porcelaine d’Italie, comme on l’appelait, devint si recherchée que les princes de Florence la donnaient en cadeau aux souverains alliés, ainsi que faisaient les doges de Venise pour les produits de verre de leur célèbre fabrique. On sait les noms des artistes qui exécutèrent le service de faïence offert à l’empereur Charles-Quint.

Mais bientôt les secrets de fabrication se divulguèrent et se répandirent. Cette industrie devint tout à fait commerciale, et comme il fallait vendre à bas prix, la perfection du dessin et de la couleur s’altéra, l’art enfin tomba dans le métier. C’est d’Italie que la faïence émaillée arrive en Allemagne, à Nuremberg, puis en France. Vers 1530, sous François Ier et Henri II, Bernard Palissy, ayant été initié aux secrets des artistes italiens, se créa dans cette industrie un genre tout spécial ; mais, cachant ses procédés comme un avare son trésor, il ne fit pas d’élève. L’artiste mort, cet art dégénère et n’est plus qu’une fabrication vulgaire, et purement industrielle jusqu’au XVIIe siècle, époque de l’introduction en Europe des porcelaines rapportées de la Chine, de la Perse, de l’Inde et du Japon. Toutefois, vers la fin du XVIe siècle, des artistes italiens attirés par Henri IV étaient venus s’établir à Nevers pour y fabriquer ces faïences dites majolica parce qu’elles étaient imitées de celles qu’on fabriquait à Majorque d’après les procédés arabes. Rouen, peu de temps après, suivit cet exemple. Leurs produits, quoique bien inférieurs à ceux d’Italie, restèrent fort recherchés jusqu’à la révolution. À cette exception près, la faïence d’art fut abandonnée. Déjà les beaux produits chinois étaient préférés aux plus belles poteries italiennes, allemandes ou françaises. Ce fut un tort d’oublier aussi complètement la faïence, car elle a dès qualités propres que ne remplacent pas absolument celles de la porcelaine.

À l’imitation des souverains d’Asie, les rois d’Occident créèrent pour l’industrie céramique des manufactures royales, non pas dans une pensée de spéculation, mais dans une intention toute favorable à l’art. La Saxe fut la première en Europe qui chercha scrupuleusement à imiter les porcelaines chinoises, japonaises et persanes. Depuis que le célèbre voyageur vénitien Marco Polo avait fait connaître ces porcelaines aux Européens, quelques chimistes cherchaient les moyens de les fabriquer ; mais on ignorait si complètement la