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qu’on la prendrait pour du verre. C’est là, selon la doctrine qui règne à la manufacture, le beau idéal, le mérite suprême. Si la couleur est babochée, c’est-à-dire un peu inégale de ton et comme moirée, on en conclut que ce miroitage est un défaut : la porcelaine dès lors est mise au rebut comme défectueuse. Ainsi on ne sait pas encore, on n’a pas même remarqué que l’harmonie de la couleur, réside justement dans la modulation. Sans cette loi, tout accord est impossible. Plus la couleur est intense, que ce soit un vase rouge haricot, bleu lapis ou bleu turquoise, plus les Orientaux la font miroiter, afin de la nuancer sur elle-même, de la rendre dès lors plus intense et d’empêcher la sécheresse et la monotonie, afin en un mot de produire ces vibrations sans lesquelles une couleur est aussi insupportable aux yeux qu’un son le serait pour l’oreille aux mêmes conditions. L’harmonie est une qu’il s’agisse de peinture ou de musique. L’absence de vibrations est la preuve du vide, du manque d’air et de lumière, et avec une ignorance profonde de ces lois fondamentales on ne craint point de dire : « Les couleurs des porcelaines de Chine sont très variées, mais présentent rarement l’éclat, l’égalité et la suavité de nos couleurs européennes. Une des causes de cette variété des couleurs chinoises doit être attribuée à la méthode de combinaison qui permet de les cuire à trois températures différentes, ce qui cause un tressaillage de leurs couleurs que les porcelainiers chinois ne craignent pas, tandis qu’en Europe on rejette comme défectueuses les porcelaines dont les couleurs de fond présenteraient ce défaut. »

« On ne fait à Sèvres, ajoute-t-on, rien qui rappelle ces fonds laque de Chine, offrant des variations dans la nuance, tantôt claire, tantôt foncée et souvent comme bronzée. Ces effets tiennent aux proportions d’oxyde de fer qui entrent dans la composition du fond et aux influences des gaz pendant la cuisson. À Sèvres, toutes les couleurs doivent fondre en même temps et présenter après la cuisson un glacé suffisant et bien uniforme. Cette condition est de rigueur. Les peintures que nous offrent les couleurs chinoises sont loin de présenter ces conditions d’égalité dans l’épaisseur et le glacé des couleurs. Les unes sont brillantes, parfaitement fondues, et par leur épaisseur font saillie sur la surface ; d’autres sont plus ternes et moins épaisses… Dans les peintures chinoises, ni les figures ni les chairs ne sont modelées. Des traits rouges ou noirs définissent tous les contours, les tons ne se dégradent pas, les couleurs sont posées par teintes plates sur lesquelles le peintre revient quelquefois, soit avec la même couleur, soit avec des couleurs différentes ; mais le mélange sur la palette des diverses couleurs broyées, procédé qui donne tant de ressources à nos peintres, ne paraît pas en pratique