Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/1013

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août 1862.

On nous parle avec pompe, dans la nouvelle feuille où l’on veut voir le journal du sénat, de l’organisation en France d’un régime conservateur et libéral. C’est la résurrection d’un accouplement de mots, d’une devise qui a depuis longtemps perdu sa fraîcheur. Les résurrections sont rarement heureuses. Le principal malheur de celle-ci est d’être un prodigieux anachronisme. Libéral ! mais l’édifice n’est pas encore couronné ; mais la liberté politique fait défaut par la plupart de ses garanties nécessaires et de ses instrumens obligés : elle manque à la presse, aux associations, aux élections, et les plus optimistes l’attendaient, il y a quelques jours, comme une surprise, de la fête de demain. Conservateur ! mais ce mot ne jure-t-il pas avec la situation même au milieu de laquelle on le prononce ? L’Europe est-elle dans un état où il soit possible de faire de la politique conservatrice ? « Qui dit politique, — c’est une remarque excellente de M. Thiers dans son dernier volume, — dit respect et lent développement du passé ; qui dit révolution au contraire dit rupture complète et brusque avec le passé. » Ne sommes-nous pas à peu près partout en Europe dans une de ces époques de radicales et violentes ruptures avec le passé ? C’est un des sens malheureusement trop nombreux donnés au mot révolutionnaire que de l’appliquer à ces situations qui ne sont point régies par la déduction régulière d’un système et l’enchaînement logique des faite, à ces situations où au contraire tout dépend d’un accident imprévu, et quelquefois des résolutions capricieuses ou énergiques, mais non moins inopinées, de telle ou telle personnalité puissante et populaire. Certes le mot de politique conservatrice produit un plaisant effet au moment où il suffit d’une fantaisie passionnée de Garibaldi pour jeter le trouble dans la plus importante entreprise de cette politique. À quel spectacle assistons-nous depuis huit jours ? Nous sommes là haletans après les dépêches qui nous annonceront ce qu’a fait ou ce qu’a dit l’impétueux guerillero Italien. À propos de ces télégrammes sibyllins, les journaux ne semblent plus avoir d’autre métier que