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notre armée eût opéré son retour par la Toscane et escorté le grand-duc à Florence, aucune résistance matérielle ne nous eût été opposée ; mais ce n’est pas nous qui blâmerons le gouvernement français de n’avoir point fait un tel emploi de sa puissance, d’avoir reculé devant une solution repoussée par les populations italiennes, solution étroite, car elle n’aurait donné d’autre résultat à la guerre que d’ajouter une province au royaume de Sardaigne, solution oppressive qui n’eût ni organisé ni pacifié l’Italie. On dut renoncer à l’exécution du traité de Zurich. Là se présenta une occasion de marquer, un temps d’arrêt à la révolution italienne. Pour mettre cette occasion à profit, il fallait consentir à l’union des provinces septentrionales sans imposer à cette union aucune condition qui pût affaiblir auprès des Italiens l’autorité modératrice de la France. Tout le monde sait que les provinces du nord de l’Italie, arrivées au même degré de civilisation, animées d’un égal patriotisme, ont d’étroites affinités, et peuvent aisément s’assimiler entre elles dans une commune fusion. À l’Italie du nord satisfaite dans ses vœux immédiats, on eût pu demander l’ajournement indéfini d’aspirations plus ambitieuses. L’Italie du nord eût pu prendre patience et employer utilement et noblement son temps à organiser par la législation, par les finances, par l’administration, son unification partielle. La dynastie napolitaine, la cour de Rome surtout, eussent obtenu par là un répit : nous ne savons si elles auraient justifié l’espoir que la diplomatie a si longtemps entretenu de les voir se réformer ; en tout cas, les populations soumises à leur autorité eussent toujours gagné quelque chose à l’influence d’exemple exercée sur la péninsule par l’Italie du nord, et si celle-ci était destinée à s’incorporer un jour l’Italie méridionale, elle n’eût du moins accompli cette conquête qu’après avoir établi dans son propre sein des ressources plus grandes et des moyens de gouvernement plus efficaces. Au lieu de cela, que s’est-il passé ?

Nous avons mis un prix au consentement de la France dans l’affaire des annexions italiennes ; nous avons voulu pour compensation Nice et la Savoie. Nous n’avons plus à discuter si nous avons eu tort ou raison au point de vue français. Ce qui n’est plus maintenant contestable, c’est que, par le fait des annexions françaises, l’Italie a perdu une occasion de s’arrêter dans sa marche, et que la révolution italienne a reçu une nouvelle et plus violente impulsion. C’est alors qu’a eu lieu l’expédition des mille, et que Garibaldi a conquis Naples en menaçant Rome. Nous ne savons si, en donnant le royaume de Naples à l’unité italienne, Garibaldi a rendu à son pays un aussi grand service que l’imagination populaire se l’est figuré au premier moment. La publication des documens diplomatiques nous a révélé depuis que, lui aussi, il avait mal pris son temps. À cette époque, la France allait retirer ses troupes de Rome, d’accord avec le pape, qui ne voulait plus demander sa sécurité, qu’à la petite armée formée par le général de Lamoricière. Si Garibaldi ne se fût point tant hâté de partir pour Naples, la France eût évacué Rome et n’y serait plus revenue. Vraisemblablement il n’y aurait plus aujourd’hui de question romaine ; mais les progrès, des volontaires dans le