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et conserver longtemps, il a le grand mérite d’être omnivore, et par conséquent d’utiliser une masse de débris végétaux on animaux qui, sans lui, seraient presque entièrement perdus. Les meuniers entretiennent beaucoup de porcs avec les déchets de leur industrie; une foule de paysans en possèdent. Cependant il ne paraît pas que l’on doive compter sept millions de bêtes porcines en France, et plus des trois quarts sont seulement des porcelets au-dessous d’un an. Un pareil chiffre ne répond évidemment ni à ce qui serait désirable pour une meilleure alimentation des classes pauvres, ni à ce que permettrait sans doute un emploi plus attentif de toutes choses. La Guienne, le Béarn, la Bretagne, la Lorraine, le Maine, l’Anjou et le Languedoc semblent être les provinces qui possèdent le plus de cochons; le Limousin, l’Artois, la Flandre, la Picardie et la Normandie en nourrissent aussi un grand nombre.

C’est en Auvergne que l’on trouve une des plus mauvaises races porcines qui existent en France ; les environs de Craon et le pays d’Auge en élèvent au contraire une des meilleures. Autrefois nous ne connaissions guère que le porc, gros ou moyen, dont le type domine trop souvent dans la plupart de nos provinces. S’il donne une viande de bonne qualité, ni trop grasse ni trop maigre, il est vorace et d’un développement tardif. Aujourd’hui l’on trouve dans beaucoup de départemens des animaux perfectionnés qui présentent une prodigieuse aptitude à un prompt engraissement. Nous en avons vu[1] quelques-uns devenir tellement gras que des rats les rongeaient tout vivans, c’est-à-dire qu’ils entamaient leur peau sans que ces monstres de graisse eussent la force de remuer pour se débarrasser d’une aussi étrange agression. Les personnes qui ont assisté à nos grands concours agricoles et qui. ont gardé souvenir de ces boules luisantes dont la tête et les membres disparaissent sous la graisse ne s’étonneront pas de ce que j’ai eu l’occasion de voir une fois.

Les grosses races ont été en partie améliorées par des verrats napolitains, et elles ont été si bien perfectionnées en Angleterre que les bêtes anglaises commencent à se substituer dans tous les grands concours à nos bêtes indigènes. C’est de l’Asie que sont venus les verrats à l’aide desquels nos voisins d’outre-Manche ont su façonner les familles si petites que plusieurs cultivateurs cherchent à introduire dans notre pratique agricole. Parmi ces dernières variétés, quelques-unes sont réduites à des proportions pour ainsi dire exiguës qui en rendraient l’entretien possible dans la plus humble chaumière. Néanmoins ces utiles bêtes sont encore repoussées par

  1. Au château de Randans (Puy-de-Dôme), alors qu’il appartenait à la princesse Adélaïde d’Orléans.