Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manier, la crainte d’altérer trop le caractère primitif d’un bétail qui n’est pas mauvais sous tous les rapports, enfin le désir d’éviter les lourdes dépenses que nécessite l’emploi des reproducteurs étrangers, nous paraissent autant de motifs de préférer dans beaucoup de fermes la voie de la sélection, ou de la reprendre dès qu’elle redevient possible.

Tout le monde a sans doute remarqué le prix excessif que coûte un bon étalon améliorateur. Ainsi l’on sait que, dans les familles chevalines les plus distinguées, certains animaux de choix ont dépassé le prix: énorme de 50,000 francs, et que les saillies du fameux Eclipse se sont payées jusqu’à 1,300 francs; mais peu de personnes se doutent du chiffre élevé qu’atteint quelquefois la vente des autres reproducteurs. Un excellent baudet du Poitou peut valoir 10,030 francs. A la vente des durham de C. Colling, on a payé 26,500 francs son plus beau taureau, et 10,500 francs sa meilleure vache. Jonas Webb, le fameux éleveur de south-down, avait pu obtenir 16„030 francs (8,000 francs pour chacun d’eux) de deux béliers fournis à notre administration de l’agriculture, et lorsqu’il vendit dernièrement son troupeau de Babraham, un de ses béliers fut encore acheté 6,957 francs, en même temps que plusieurs brebis s’adjugeaient au prix fort remarquable de 900 francs par tête. Ces chiffres sont exceptionnels, nous en convenons; mais il faudra toujours s’attendre à payer cher les beaux reproducteurs, car cette cherté s’explique et par l’empressement avec lequel on recherche aujourd’hui les types de grand mérite, et par les soins considérables qu’exige l’élève des animaux destinés à jouer dans une ferme le rôle d’améliorateurs.

On a pu remarquer aussi que beaucoup des animaux dont il s’agit sont, sinon personnellement, du moins par leurs ancêtres, d’origine anglaise. Les Anglais ont en effet marché plus vite que nous dans l’art de perfectionner les qualités spéciales de leur bétail. Les conditions climatériques de leur pays, les grands capitaux dont ils disposent et leur caractère propre sont autant de causes de la supériorité réelle à laquelle sont parvenus nos voisins d’outre-Manche. Il ne faut cependant pas se faire à ce sujet des illusions trop pénibles pour notre amour-propre national. En Angleterre même, les étables modèles qui fournissent les reproducteurs les plus estimés restent toujours une exception, et les troupeaux d’où sortent ces bêtes de choix n’y sont pas soumis à un régime ordinaire; ce sont tout simplement des collections précieuses, constituant des sortes de haras qui vendent au monde entier leurs meilleurs élèves. On se tromperait donc fort, si l’on croyait trouver par exemple toutes les fermes anglaises indistinctement peuplées de bêtes bovines appartenant à la race dur-