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municipales ou de petites cours correspondant à des divisions naturelles. La maison de Bourgogne réalisa quelques-unes de ces conditions; mais le mauvais goût flamand la maintint dans un luxe vulgaire, pesant, sans idéal. Louis d’Orléans est bien déjà un homme de la renaissance; mais une certaine faiblesse d’esprit et de caractère, qui contribua plus qu’on ne pense au charme qui s’attachait à sa personne et qui s’attache encore à son souvenir, l’empêcha d’exercer une influence bien sérieuse. Son goût est plus délicat que celui d’aucun autre prince avant lui, mais c’est bien encore le goût du moyen âge : beaucoup d’esprit et de charme, mais une absence presque complète de grand style et de noblesse. L’amour du beau touchait trop souvent chez lui aux penchans les plus frivoles, et sa piété superficielle n’aboutissait ni à des créations solides, ni à la règle des mœurs. Le grand art n’est ni le fruit d’efforts honnêtes, ni le jeu frivole d’aimables étourdis : il y faut du génie. On ne doit pas oublier que cette Italie, qui produisait la renaissance des arts, présidait en même temps à la renaissance des lettres et de la pensée philosophique, à ce grand éveil, en un mot, qui replaçait l’humanité dans la voie des grandes choses dont l’ignorance et l’abaissement des esprits l’avaient écartée.

Dans la masse de la nation, le contraste n’était pas moins sensible. La bourgeoisie française du XIVe siècle est rangée, sérieuse, pleine de justes aspirations à la vie politique. Il se forma une haute bourgeoisie de fonctionnaires enrichis par les opérations financières de la royauté, tels que les Barbette, les Montaigu, plus tard Jacques Cœur. Ces parvenus firent preuve en général d’un goût éclairé, et l’histoire doit être pour eux plus indulgente que ne le furent leurs contemporains. La jalousie des princes les écrasait; presque tous périrent de mort violente. La bonne bourgeoisie des villes, surtout de Paris, était arrivée à un haut degré de bien-être et de culture; mais elle n’avait, heureusement peut-être, aucune des qualités brillantes de la bourgeoisie italienne. Le soin extrême de la maison que nous révèle le Ménagier de Paris était tourné bien plus vers ce qu’on nomme maintenant le comfortable que vers le goût de l’art. L’hôtel bourgeois du XIVe siècle devait ressembler à ces vieilles demeures remplies d’une solide richesse qu’on trouve encore au fond des provinces éloignées. Ce n’était ni l’élégante maison de la renaissance ni le luxe banal de nos demeures modernes. « Et pour ce que aux hommes, dit le Ménagier est la cure et le soing de besongnes de dehors, et en doivent les maris coigner, aler, venir et racourir de çà et de là, par pluies, par vents, par neges, par gresles, une fois moullié, autre fois sec, une fois suant, autre fois tremblant, mal peu, mal hébergié, mal chaude, mal couchié. Et tout ne lui fait mal