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vraie pensée actuelle du gouvernement est dans la dépêche de M. Thouvenel du 31 mai et dans la lettre de l’empereur au général Lorencez, écrite sans doute vers la même époque : « Si le Mexique doit sortir transformé de la crise actuelle, dit très nettement notre ministre des affaires étrangères, ce n’est pas du camp des Français que doit partir l’initiative de sa régénération. » — « Il est contraire à mes intérêts, à mon origine et à mes principes, dit l’empereur, d’imposer un gouvernement quelconque au peuple mexicain ; qu’il choisisse en toute liberté la forme qui lui convient : je ne lui demande que la sincérité de ses relations extérieures, et je ne désire qu’une chose, c’est le bonheur et l’indépendance de ce beau pays sous un gouvernement stable et régulier. » Certes de telles assurances excluent toute proscription inconditionnelle du gouvernement de Juarez. Cette proscription, disons-le en passant, n’eût été, même au point de vue des causes qui ont amené la guerre, qu’une inconséquence nouvelle ajoutée aux premières erreurs de notre politique. Le gouvernement de Juarez est sans doute un mauvais gouvernement ; mais c’est à peu près le seul parmi ceux qui ont dévasté le Mexique depuis vingt ans qui puisse attacher à son origine un titre légal. Ce n’est pas tout : nous demandons à ce gouvernement la réparation des spoliations depuis longtemps commises sur nos nationaux ; or la plupart de ces spoliations sont le fait de gouvernemens antérieurs à Juarez, d’hommes et de partis que nous semblons considérer comme nos amis actuels, tandis que nous allons punir sur Juarez les méfaits dont ils ont été eux-mêmes coupables. Quoi qu’il en soit, nous devons respecter l’indépendance du Mexique, et comme l’indépendance des peuples dans la formation de leurs gouvernemens ne souffre pas d’exception, nous ne devons rien retrancher à l’indépendance du Mexique, pas même la faculté de conserver son présent gouvernement. La déclaration solennelle de l’empereur confirme cet engagement, par lequel la guerre peut être restreinte et abrégée. Mieux eût valu sans doute que ce principe eût été plus tôt exprimé avec cette vigueur. Si à la conférence d’Orizaba le général Prim, qui a connu, lui aussi, la faveur des correspondances impériales, eût pu opposer au commissaire français, qui prétendait ne pas vouloir traiter avec Juarez, une lettre semblable à celle qui a été récemment écrite au général Lorencez, il eût embarrassé singulièrement notre commissaire ; mais bien des difficultés eussent été épargnées à notre politique.

L’occasion est d’autant plus favorable au reste pour diminuer nos prétentions à l’égard du Mexique qu’un certain ensemble de circonstances meilleure- ; nous permet d’être modérés sans que nous ayons i faire aucun sacrifice pénible à notre dignité. L’Espagne n’a pas traité avec le Mexique ; le ministre anglais s’était hâté de conclure un traité à Mexico, mais le cabinet anglais n’a point ratifié cette convention, ne voulant point subordonner les satisfactions qu’il exige aux conditions d’un arrangement particulier récemment intervenu entre le Mexique et les États-Unis. Enfin le président