Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Paris, le duc de Feria, de faire à la reine-régente, Marie de Médicis, la même ouverture. Son cousin Côme de Médicis, grand-duc de Toscane, et le pape Paul V eurent peu de peine à la lui faire agréer. Dès le 30 avril 1611, le marquis de Villeroi, secrétaire d’état pour les affaires étrangères de France, et don Inigo de Cardeñas, ambassadeur d’Espagne, signèrent à Fontainebleau des articles préliminaires qui stipulaient les deux mariages proposés. Malgré la mémoire de Henri IV et l’opposition de Sully, ils furent officiellement adoptés l’un et l’autre dans un grand conseil tenu le 26 janvier 1612 par la reine-régente. Le 25 mars, le duc de Mayenne, fils du grand ligueur et grand-chambellan de France, alla en grande pompe chercher l’ambassadeur d’Espagne dans sa maison et le conduisit au Louvre, où le chancelier Brûlart de Sillery, en présence de toute la cour, proclama la double union royale. Au mois d’août suivant, le duc de Mayenne, accompagné d’un brillant cortège, se rendit à Madrid, où il signa[1] le contrat de mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche. Le duc de Pastrana vint à Paris accomplir[2], pour l’infant don Philippe et la princesse Elisabeth de France, la même cérémonie. Vu l’âge des époux, les mariages ne devaient être et ne furent effectivement célébrés que trois ans plus tard, le 18 octobre 1615, le premier à Burgos, le second à Bordeaux, et ce fut seulement le 9 novembre que le duc de Guise alla à Andaye, sur la Bidassoa, remettre aux commissaires espagnols la princesse Elisabeth et recevoir de leurs mains l’infante Anne d’Autriche, qu’il ramena à Bordeaux, où Louis XIII et Marie de Médicis l’attendaient; mais il paraît que, dès la première conclusion, le goût de l’infante, qui n’avait encore que onze ans, était d’accord avec la politique de l’Espagne, car lorsque le duc de Mayenne, en quittant Madrid, lui demanda ce qu’elle voulait qu’il dît de sa part au roi très chrétien : « Que j’ai une extrême impatience de le voir, » lui répondit-elle en français. La réponse parut un peu vive à la comtesse d’Altamira, sa gouvernante, qui lui dit en espagnol : « Eh quoi! madame, que dira le roi de France quand M. de Mayenne lui rapportera que vous avez tenu un tel discours? — Madame, reprit l’infante, vous m’avez appris qu’il fallait toujours être sincère; vous ne devez donc pas vous étonner si je dis la vérité. »

Quoi qu’il en fût des mouvemens de ce jeune cœur, la question politique entre les cours de Paris, de Madrid et de Londres était vidée; le grand dessein de Henri IV ne vivait plus que dans la mémoire de Sully ; l’alliance espagnole prévalait complètement à Paris

  1. Le 22 août 1612.
  2. Le 25 août.