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cause du grand bien ou du grand mal qui peut s’ensuivre pour la religion catholique dans le royaume d’Angleterre, j’ai résolu, avant de m’y engager plus avant, de mettre la question entre les mains de sa sainteté, pour qu’elle me conseille ce que j’ai à faire dans cette circonstance après avoir premièrement demandé à Dieu sa lumière. Pour ma part, je suis disposé à faire tout ce qui me sera possible pour le bien et la propagation de notre sainte foi. Vous communiquerez ceci à sa sainteté en mon nom, en lui remettant la lettre ci-incluse, qui vous servira, ainsi que la présente, de lettre de créance, et vous me rendrez compte de ce qu’elle vous aura répondu et exprimé quant à son avis. Cette négociation devra être suivie avec le secret qu’exige sa nature. »


Don Juan de Ciriza, secrétaire de Philippe III, envoya le 19 juin cette note et les pièces incluses au comte de Castro, ambassadeur d’Espagne à Rome, qui répondit à son roi le 14 juillet suivant :


« Conformément aux ordres qu’il a plu à votre majesté de me donner par sa lettre du 19 juin, j’ai donné connaissance au pape de l’état où se trouvent les négociations relatives au mariage entre l’infante doña Anna et le prince de Galles, ainsi que de ce qu’écrit d’Angleterre don Diego Sarmiento de Acuña sur la convenance qu’il y aurait à reprendre activement quelque négociation de mariage entre les deux couronnes. Dès la première audience, sa sainteté me donna à entendre qu’elle avait en aversion une telle négociation. Elle ne me donna cependant point de réponse définitive, car je la suppliai d’y penser à loisir et d’invoquer les lumières de Dieu à ce sujet. Le pape y consentit de bonne grâce et me promit le secret, que je lui demandai avec instance. A la seconde audience, le saint-père me dit qu’il rendait des grâces infinies à votre majesté de ce que, en si bon catholique, elle n’avait pas voulu entrer dans une semblable négociation sans avoir d’abord consulté le saint-siège, et de l’honneur qu’elle lui faisait, à lui personnellement, en lui demandant son avis. En témoignage de sa reconnaissance et pour s’acquitter de son devoir, il ne pouvait, ajouta-t-il, en cette occasion, faire à votre majesté une meilleure réponse que ce qu’avait dit naguère le duc de Lerme à l’ambassadeur de France à propos d’une négociation analogue : il ne convenait nullement, selon lui, d’entrer en traité pour donner une fille de votre majesté au prince de Galles, qui n’est pas catholique. Il se fondait pour cela sur quatre raisons. La première, c’est que l’infante, en épousant un hérétique, serait dans un péril manifeste pour sa foi. La seconde, c’est que les fils nés de ce mariage se perdraient sans nul doute, puisqu’ils suivraient la secte de leur père. La troisième, c’est qu’on ouvrirait ainsi de plus en plus la porte au commerce et aux communications entre les deux nations,