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empressement docile, quatre-vingt-seize projets émanés de l’initiative ministérielle. Elle avait sanctionné par son vote l’augmentation notable de l’indemnité dont jouissent les représentans de la nation, les budgets de 1861 et 1862, qui se montent à 25 millions de drachmes et qui comprennent parmi les dépenses prévues la somme de 900,000 francs destinée annuellement aux puissances, la formation d’une réserve militaire, sorte de landwehr organisée d’après le système prussien[1]. Elle venait de rejeter unanimement, à la suite des honorables démarches de la légation française, la loi sur les mariages mixtes, à laquelle les députés avaient fait d’abord un accueil favorable[2], lorsque le 28 mai 1861, vers le soir, la nouvelle se répandit dans Athènes qu’on venait de découvrir un vaste complot organisé par l’opposition et une partie de l’armée. Le but de ce complot était de renverser le gouvernement et d’exiler le roi. Déjà quatre officiers avaient été saisis; on parlait de ramifications nombreuses s’étendant jusqu’en Italie et jusqu’au cœur de l’Autriche. Des personnages illustres, de grands noms étaient compromis. On citait MM. Botzaris, oncle du ministre de la guerre, Colocotronis, parent du grand écuyer, Vassos, frère de l’officier d’ordonnance, un certain nombre de sénateurs, MM. Canaris, Christidis, Boulgaris et Spiro-Milio. La procédure, lentement conduite au milieu des vives anxiétés qui agitaient le gouvernement, révéla des faits infiniment moins graves qu’on ne l’avait d’abord supposé. Il y avait eu des paroles imprudentes, des plaintes séditieuses échappées à des officiers sans emploi et à des ambitieux mécontens. Sur vingt-huit accusés, vingt et un ne comparurent point en justice; les sept autres, traduits par décision de l’aréopage devant la cour d’assises d’Athènes, purent compter sur l’indulgence de leurs juges[3].

La conspiration du 28 mai 1861 fut suivie d’un autre complot que déjoua, d’après les assertions ministérielles, la vigilance administrative, mais dont l’opposition n’a jamais voulu admettre l’existence. Le 30 octobre, le roi revenait d’Allemagne, où il avait été prendre

  1. Cette institution est destinée à satisfaire en partie, et sans mettre positivement en danger le repos de la Grèce, l’opinion qui réclame l’établissement de la garde nationale, afin de hâter la réalisation de la grande idée et de garantir la nation des attentats de la tyrannie. L’opposition n’a su nul gré au gouvernement de cette concession.
  2. Voici les principales dispositions de cette loi, bien faite pour flatter les sentimens philorthodoxes de la nation : tout individu qui n’appartient pas au rit grec et qui épousera une orthodoxe sera tenu, avant son mariage, de s’engager par serment à élever ses enfans dans la religion nationale; s’il ne remplit pas cette promesse solennelle, il sera poursuivi comme parjure. Tout mariage mixte sera célébré, à peine de nullité, par un prêtre orthodoxe. Parmi les mariages mixtes antérieurs à la loi, ceux-là seulement sont valides qui ont été célébrés par un ministre du culte grec.
  3. C’étaient MM. Colocotronis, Cléomène, Coronaios, Boulgaris, Zico, Scaltzogiannis, Lalaouni.